4 - Nouvelle vie (après la mort) Bruno fixe Sienna, qui me fixe alors que je fixe les agents de sécurité dont l’attention ne me lâche pas. C’est une situation… intéressante. Tendue certes, mais intéressante.
- Je ne compte pas vous suivre, messieurs, dis-je d’une voix assurée. Vous allez me laisser sortir. Si le premier semble enclin à me laisser filer, comme hypnotisé par mon ordre, le second n’est pas de cet avis. Il se rue sur moi, mais je le contourne et lui envoie un coup de pied aux fesses. Il rentre tête la première dans une des cabines. Tout le monde se fige, surpris. Je ne prends pas le temps de m’attarder et fonce dans la salle de réception. - Jesse ! hurlé-je en regardant autour de moi.
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3 - La revanche J’approche Sienna et Bruno en essayant de me rappeler que je ne suis plus le mec que j’étais. J’ai toutes les raisons d’avoir confiance en moi maintenant. Je calme mes nerfs et ma rage à coup de profondes inspirations.
Quand j’arrive au couple qui glisse sur la piste, je tape nonchalamment sur l’épaule de Bruno qui tourne un regard ennuyé vers moi. - Je peux vous emprunter votre cavalière le temps d’une danse ? lui demandé-je avec un sourire. Il semble prêt à refuser, mais il suffit que Sienna pose le regard sur moi pour qu’elle accepte sans lui laisser la possibilité de parler. Il recule à contrecœur et Sienna prend place dans mes bras. - Bonsoir, souffle-t-elle. Je baisse les yeux vers son visage. Elle me parait minuscule maintenant. Avant, on faisait presque la même taille et certainement presque le même poids. Maintenant, elle est enveloppée par ma carrure. - Bonsoir, réponds-je dans le même ton grondant que Jesse a utilisé sur la fille de l’accueil. Elle semble avoir le souffle coupé un instant. Elle me fixe avec un regard brillant et j’essaie de ne pas me sentir blessé. Elle ne m’a jamais regardé comme ça avant. - Vous avez l’air de me connaitre. Si elle savait à quel point… - Je connais Lane. - Oh, fait-elle mal à l’aise. On n’est plus ensemble. Elle ne sait pas que je suis mort. Ça se voit à sa façon de parler de moi. Je m’apprête à le lui dire, quitte à foutre en l’air l’opportunité de conclure le marché, mais elle continue de manière légère. - Il parlait mariage, et ça n’a jamais été comme ça pour moi. Je n’étais pas amoureuse, je voulais juste m’amuser. Waouh. Deux ans et demi d’amusement, hein. Je pensais compter après tout ce temps. Je me suis planté. Qu’à cela ne tienne. Je glisse une main au creux de ses reins pour l’approcher davantage de moi avant de murmurer à son oreille : « je sais m’amuser ». Elle essaie de réprimer un tremblement, sans succès. La ligne de sa robe est si basse dans le dos, que mon pouce caresse sa peau nue. - Ah oui ? demande-t-elle à voix basse. - Mhm. Sa main se serre sur ma chemise et je penche la tête pour laisser mon nez tracer la ligne de sa gorge avant de répondre : « Tu veux jouer ? » Si elle était dans son état normal, elle m’aurait sûrement engueulé à voix basse pour mon comportement inapproprié. Mais elle se contente de hoqueter avant de lâcher un « oui » tremblant. Malgré moi, mon sourire se fait prédateur. Je sens son désir, la température de son corps qui grimpe en flèche. C’est comme si j’avais un cadran d’indication qui me dit : « vas-y, fonce ! » Je la relâche, mais prends sa main dans la mienne pour l’attirer à ma suite vers l’angle de la salle où le couloir disparait pour mener aux toilettes. En passant, je croise le regard de Bruno à qui je lance un regard victorieux. J’attire Sienna dans les toilettes qui sont assez classes pour servir de salon à la plupart des gens. Mais je ne suis pas là pour admirer les dorures. Elle ferme la porte derrière nous d’une main tremblante et se retourne pour me regarder. Son envie est si forte qu’elle m’étouffe. Je fais un pas en avant et la plaque contre la porte fermée avant de plonger sur ses lèvres. C’est alors que je comprends comment on extrait l’essence vitale. Elle passe de ses lèvres aux miennes et je plonge ma langue dans sa bouche, prenant sans pitié. Elle gémit et se tortille entre mes bras, ses mains se serrent avec force sur mes épaules. Elle répond à mon baiser avec tout ce qu’elle a. Elle m’embrasse comme jamais avant ça. Une de mes mains s’emmêle dans sa crinière et l’autre se referme sur le satin de sa robe que je froisse en remontant lentement le tissu le long de ses jambes. Mais je ne peux pas lâcher ses lèvres. J’ai faim, j’ai besoin de cette essence délicieuse. C’est addictif. Seule la peur de la tuer me fait reculer mes lèvres des siennes, mais je ne m’éloigne pas ma bouche descend le long de sa gorge, je repousse la bretelle de sa robe qui tombe d’un côté. Ses propres lèvres sont rouges, sont souffle haletant, elle rejette la tête en arrière quand ma main entre en contact avec la peau nue de sa cuisse. Quelqu’un se met à frapper à la porte, mais elle est trop perdue pour s’en rendre compte et moi, je n’en ai rien à foutre. Je suis occupé à lui faire perdre la tête. Elle voulait s’amuser, voilà de quoi la satisfaire. Je me débarrasse de sa culotte blanche et elle atterrit sur les lavabos. J’ouvre la braguette de mon costume et libère mon érection douloureuse. Je prends une de ses mains tremblantes pour la placer dessus. Elle me branle d’un geste incertain, comme si elle ne se souvenait même plus de son nom. - Embrasse-moi, supplie-t-elle. Embrasse-moi encore. C’est demandé si gentiment. Je m’empare de ses lèvres et à nouveau, je sens le flux reprendre et j’y bois comme un assoiffé. Sienna transpire comme si elle était fiévreuse, elle tremble et supplie. Sa robe retroussée sur ses hanches, ma main qui la caresse sans indulgence. Elle se cambre et halète, elle crie carrément quand mes doigts s’enfoncent en elle. Déjà trempée, tellement prête à s’offrir à un monstre dans mon genre alors qu’elle m’a rejeté quand j’étais un homme bien, dont le seul crime était d’être un peu trop amoureux à son goût. J’ai juste envie d’en finir. Je la soulève comme si elle ne pesait rien et la pénètre d’une seule poussée. Sa voix se brise d’extase et derrière la porte, les gens qui frappaient se taisent. Aucun doute sur le fait qu’ils savent exactement ce qui se passe ici. Ça m’excite étrangement et je m’assure de faire porter la voix de Sienna. Ses jambes enroulées autour de mes hanches, je maintiens ses cuisses pour qu’elle ne glisse pas et m’enfonce en elle avec plus de vigueur. - Plus fort, supplie-t-elle et j’obéis. La porte tremble sous mes assauts et Sienna laisse échapper des gémissements et un flot d’encouragement décousu qui consiste principalement à me demander de ne pas arrêter. J’accélère encore la cadence, m’arrête, ralentis, reprends à pleine puissance et je sens qu’elle est perdue. Soudain, elle se cambre, rigide une seconde avant que je sente ses tremblements. Je l’embrasse à nouveau pour prendre son essence et j’ai à peine le temps de me retirer que je jouis à mon tour. On reste un moment dans la même position à simplement respirer lentement, mais soudain, les coups reprennent à la porte et cette fois, elle les entend. - Oh, merde ! panique-t-elle, elle prend une serviette en papier et se nettoie rapidement. Rhabille-toi vite. On va se faire virer à coup de pied, voire arrêter pour indécence. - Sur le lavabo, lancé-je quand elle se met à regarder partout à la recherche de sa culotte perdue. - Merci. Quand elle se tourne vers moi, j’ai déjà réajusté mon pantalon et mon costume est impeccable, mes cheveux sont une cause perdue à présent et je n’essaie même pas d’y mettre de l’ordre. - Est-ce qu’on se reverra ? me demande mon ex. - Sait-on jamais, réponds-je avec un haussement d’épaule. Ses lèvres se pincent un peu, mais elle semble fondre sous ma main quand je lui presse légèrement l’épaule. Quand Sienna ouvre la porte, je ne suis qu’à moitié surpris de voir Bruno accompagner la sécurité. Je lui lance un demi-sourire. Il est enragé. - Veuillez nous suivre, monsieur, me lance un des hommes de la sécurité. Où est Jesse quand j’ai besoin de lui ? 2 - La soirée Le costume que m’a choisi Adriana est un Dior gris anthracite avec une cravate, une ceinture et des chaussures noires. J’ai du mal à croire que c’est moi en me regardant dans le miroir. On dirait qu’il a été fait sur mesure. Il me met en valeur d’une manière presque indécente.
Je descends les escaliers pour aller rejoindre Jesse, mais je m’arrête avant d’atteindre la dernière marche. Mon colocataire est occupé à fixer sa propre cravate – sans grand succès – devant le miroir de l’entrée. Son costume est à l’opposé du mien. Il est noir et ses accessoires sont gris avec un liseré argenté. Il est méconnaissable. Ses cheveux lissés et placés derrières ses oreilles, mais quelques mèches reviennent s’accrocher à son visage et lui donnent un air un peu rebelle malgré le costume. Il semble sortir d’un magazine de mode. Je doute un instant que ce soit lui. Mais quand il me repère dans le miroir, il se retourne en sifflant et m’accorde un sourire idiot. - Ouah, t’as la classe, Connard ! Oublions ce que j’ai dit. C’est bien lui, pas de doute. Je le rejoins pour l’aider à se dépatouiller de sa cravate, il n’en a clairement pas l’habitude. Quand c’est fait on se tourne tous les deux vers le miroir et j’avoue qu’il n’est pas le seul à avoir l’air d’un mannequin. On fixe notre reflet bien trop longtemps. - Comment tu as eu le costume ? demandé-je finalement. - Je l’ai demandé gentiment. Il me sourit de toutes ses dents et je secoue la tête. *** La remise du prix d’architecture a lieu au Ritz-Carlton. Un des plus beaux hôtels de Phily au look de Parthénon. On entre dans le hall et les têtes se tournent sur notre passage. Je regarde le phénomène avec un mélange de fascination et de malaise. Quand je jette un œil à Jesse, je le vois qui sourit à tout le monde avec un air prédateur. Je lui balance un coup de coude dans les côtes. - Ah ! Quoi ? - Arrête ! - Pourquoi ? Pas de ma faute s’ils bavent tous sur nous. Ce n’est même pas la peine de parler avec lui. - Fais-nous entrer, grogné-je. - Ok, suis mon exemple. On avance jusqu’à l’accueil, derrière lequel une hôtesse hautaine, engoncée dans un tailleur formel, est concentrée sur un pc. Jesse s’accoude au comptoir et me lance un regard pour que je l’imite. Je m’exécute et souris comme il le fait. - Excusez-moi, ronronne-t-il. L’hôtesse relève immédiatement la tête et son regard passe de Jesse à moi, comme si elle ne savait pas sur lequel de nous deux s’arrêter. Ses pupilles sont dilatées et le rouge lui monte furieusement aux joues. Jesse me lance un regard et je l’entends presque mentalement me lancer : « superpouvoir ! ». Je comprends un peu mieux maintenant. Mon sourire s’élargit alors que je donne un nom au hasard pour que la fille vérifie sa liste. Elle a l’air déçue et désolée quand elle relève les yeux pour nous informer que nous ne sommes pas prévus. - C’est sûrement une erreur, suggère Jesse sans perdre son sourire. Elle semble douter un moment, mais je prends sa main au-dessus du comptoir. - Oui, assurément une erreur, soufflé-je en tentant de paraitre charmant. Son regard se fixe sur moi et se fait vague, comme si elle ne se souvenait même pas de ce dont on parlait. Elle a l’air de ne pas s’en soucier, tant qu’elle peut me regarder. Je me demande si elle respire encore. Je jette un regard à Jesse, mais il hausse les épaules. - N’est-ce pas ? demandé-je pour la relancer. - Bien sûr ! s’exclame-t-elle. Evidemment. Bienvenue messieurs. On lui sourit, mais ça semble être trop pour elle, alors je pousse Jesse à avancer avant qu’elle ne fasse un arrêt cardiaque. - Merci, beauté ! lui lance Jesse par-dessus son épaule. La fille lâche un hoquet et je ne peux pas m’empêcher de rire un peu. - Arrête tes conneries, soufflé-je à Jesse. Il me retourne un regard amusé qui dit clairement : « je ne regrette rien. » On s’arrête devant les grandes portes blanches de la salle de réception et je prends une profonde inspiration en réajustant ma veste de costume. Jesse attend patiemment que je me reprenne en main. Je hoche la tête et on pousse les portes. Le moins qu’on puisse dire, c’est qu’on ne passe pas inaperçus. Je décide de ne prêter attention à personne en attendant qu’on ait trouvé un endroit d’où on pourra mettre un plan en action. Je marche tête haute vers un endroit isolé. Du coin de l’œil, je vois Jesse imiter ma posture. - Pas mal l’air mystérieux, souffle-t-il. Mais je crois pas que ça détourne l’attention. Tu le sens toi aussi ? Le pire, c’est que je n’ai pas à lui demander de quoi il parle. Parce que la réponse est oui, je le ressens. Le désir. L’envie qu’on éveille dans la foule et qui m’arrive par vague, je me sens électrisé. Plein d’une puissance que je ne connais pas. C’est de ça qu’il me parlait. Maintenant, je vois ce qu’il voulait dire. - Et merde, souffle Jesse. - Quoi ? - L’électricité. Je suis excité, si je ne baise pas bientôt, je te jure que je te plaque au mur et que je me fais les dents sur toi. - Calme-toi, Adriana nous a dit que ce serait intense les premiers jours, essaie de les bloquer. Il hoche la tête et respire doucement. Ce que la démone a dit exactement c’est : « ça va être plutôt hardcore, mes petits lapins, vous risquez de ne pas débander pendant quelques jours. Amusez-vous bien, j’ai des choses à voir et des gens à me faire. » On s’arrête finalement dans un coin de la salle, qui nous donne un bon angle d’observation. - Ça va ? demandé-je à mon colocataire. - Ouais, répond-t-il même s’il parait tendu. Trouve ton ex qu’on en finisse. Je jette un œil à la salle et je la repère qui valse. Elle porte une longue robe rose pastel et ses cheveux châtains tombent en vagues étudiées. Elle parait aller parfaitement bien, même si je suis mort il y a deux jours à peine. Et toute l’électricité de la salle n’est rien en comparaison de la rage que j’éprouve en remarquant qu’en plus, son cavalier n’est autre que son « collègue » Bruno avec qui je la soupçonnais de me tromper. - C’est elle ? me demande Jesse en suivant mon regard. - Ouais. - Pas terrible, mais bon. Allez, à l’attaque ! Sur ce, Jesse me pousse vers la piste de danse et lève un pouce pour m’encourager quand je tourne la tête pour le fusiller du regard. Chapitre 8 Ils s’arrêtèrent dans un motel ce soir-là. L’endroit était un peu miteux et le papier peint orné de grosses fleurs orange et jaunes semblait dater des années soixante-dix, mais comparé au camping et aux douches de l’enfer, c’était le grand luxe.
Ils déposèrent chacun leurs affaires sur l’un des deux lits simples. Kazey se laissa lourdement tomber sur le couvre lit en soupirant. Ses longues jambes s’étirèrent et il les posa sur ses affaires sans s’en préoccuper. - Je crois que je pourrais dormir pendant des jours, grogna-t-il en mettant ses mains derrière sa tête. Cassie sourit pour elle-même en le voyant faire. Il paraissait plus détendu qu’il ne l’avait été ces deux derniers jours et elle avait envie qu’il le reste. Elle vida ses poches avant de s’emparer de son sac de sport. - Je prends la salle de bain, lança-t-elle en se dirigeant vers la porte d’un verdâtre affreux. - Je ne suis pas en état de t’en empêcher, marmonna Kazey qui ne semblait pas vouloir bouger le moindre muscle. Lorsqu’elle sortit de la salle de bain, une demi-heure plus tard, elle dut le secouer pour lui dire que la place était libre. Il était assoupi, tout habillé, ses jambes balancées sur son sac. Elle resta un moment à le regarder, ses traits détendus, il semblait être quelqu’un d’autre. Elle ne s’était jamais rendu compte qu’il était toujours rigide d’ordinaire. Il lui avait fallu le voir endormi pour faire la différence. Elle saisit son épaule et le secoua pour le réveiller. Il ne sursauta pas, comme elle s’y était attendue. Ses yeux s’ouvrirent au ralenti et se fixèrent sur elle. Il lui sourit. Un étirement lent de ses lèvres. Un sourire doux et sincère, comme s’il avait douté qu’elle soit là au réveil, mais qu’il était heureux de s’être trompé, et Cassie eut soudain l’impression qu’un oiseau battait des ailes au creux de son estomac, cherchant à s’échapper. Cependant, il sembla reprendre soudain conscience et son sourire diminua alors que ses idées s’éclaircissaient. Il se racla la gorge avant de demander : « qu’est-ce qui se passe ? » - Euh, la salle de bain est libre, l’informa-t-elle. - Oh, merci. Cassie hocha la tête et se dirigea vers son lit, laissant Kazey étirer ses longs membres avant de se lever. Elle récupéra son chargeur dans son sac et le brancha sur la prise à côté de son lit, elle y relia son téléphone et le posa sur la table de chevet. Lorsqu’il s’illumina, elle vit l’icône des messages qui clignotaient toujours et se demanda combien de temps elle pouvait éviter de les écouter. Le nœud dans son estomac à chaque fois qu’ils se rappelaient à elle ne faisait qu’empirer. Mieux valait qu’elle se jette à l’eau. Elle se sentirait mieux après. Elle souleva les couvertures et s’installa. C’était étrangement confortable. A l’aspect, elle s’attendait à ce que le matelas soit aussi dur qu’une planche à repasser, mais ce n’était pas le cas. Une fois bien installée, elle récupéra son téléphone et se décida à affronter sa boite vocale. Elle n’avait jamais eu aussi peur d’entendre un message avant. Le premier message était daté du mardi, quelques heures après leur départ. La voix de sa mère était aussi dure que de l’acier, comme si elle en avait juste assez des débordements d’une enfant à problème – ce que Cassie n’avait jamais été. « Cassie, c’est moi. S’il s’agit d’une de tes blagues, je ne trouve pas ça drôle du tout. Tu vas rentrer immédiatement et nous allons discuter de ton comportement. J’ai appelé ton père, il rentre immédiatement. Je t’attends et je te conseille de ne pas tarder. » Cassie eut un reniflement amusé. Si sa mère croyait que ça la persuaderait de rentrer, alors elle ne la connaissait vraiment pas. Le second message était également de sa mère, composé du même ton réprobateur et légèrement énervé, mais cette fois, Cassie crut entendre une faille dans sa voix. Il avait été laissé une heure après le premier. « Ne pas répondre au téléphone ne fait rien pour arranger ton cas, Cassandra! » Ah, on passe à Cassandra, c’est que ça devient tendu, railla la jeune fille pour elle-même. « Ton père et moi t’attendons. Je te donne vingt minutes pour arriver. » Les ultimatums n’étaient vraiment pas la bonne façon de s’adresser à elle et entendre sa mère en lancer à tout va, à travers le téléphone, ne l’aurait pas persuadée de rentrer, même si elle s’était juste cachée dans la cabane de jardin. Le message suivant était déjà plus désespéré. Au fur et à mesure la voix de sa mère se mettait à cajoler plutôt qu’à ordonner et Cassie se sentait de plus en plus mal. Mais elle n’oubliait pas les cris et le refus de même écouter ce qu’elle avait à dire. Tant mieux au fond si ça servait d’électrochoc à ses parents. « Dis-moi juste que tu vas bien. » C’était le dernier message de sa mère. Il en restait encore un, mais celui-là venait de son père. « Appelle ta mère ou je fais lancer les recherches. » Elle avait déjà entendu son père être ferme et décidé, en particulier quand il parlait à un de ses associés. Elle savait que c’était cette voix-là qu’il utilisait. Mais ça lui paraissait faux, comme s’il essayait de jouer son rôle sans y arriver. Elle soupira profondément en coupant la messagerie. Elle resta un long moment à regarder l’écran avant de se décider à appeler chez elle. Sa mère décrocha rapidement et Cassie sentit l’angoisse sous laquelle elle avait étouffé avant de décider de partir la gagner à nouveau. - Je vais bien, dit-elle en guise de bonjour. - Cassie ? sa mère paraissait soulagée. Où est-ce que tu es ? Rentre à la maison. Cassie entendit du bruit, alors que le téléphone changeait de main. Son père, lui, paraissait furieux. - Cassie, rentre immédiatement ! A quoi est-ce que tu pensais, bon sang ? Tu te rends compte de ce par quoi tu nous fais passer… - Et toi ? Tu sais par quoi vous m’avez fait passer ? rétorqua-t-elle sans remords. - Tu n’es qu’une gamine… - Arrête ! C’était la voix de sa mère. Le son s’éloigna un peu du téléphone, mais elle comprit que ses parents tentaient une approche différente et qu’ils n’étaient pas d’accord avec la méthode de l’autre. Ils se mirent à se disputer à voix basse et ce fut assez pour qu’elle décide de leur raccrocher au nez. Ça ne leur avait servi à rien. Ils avaient juste trouvé un nouveau sujet de dispute, voilà tout. Elle ne comptait pas rentrer avant qu’ils aient décidé d’agir comme des adultes et de parler pour résoudre leurs problèmes. Le téléphone sonna immédiatement dans sa main, mais elle préféra l’éteindre, puis elle enfonça sa tête dans l’oreiller. Elle n’entendit pas la porte de la salle de bain s’ouvrir dans son dos. Elle ne se rendit compte qu’elle pleurait que lorsqu’une large main se posa sur ses cheveux. Elle eut un sursaut, mais la caresse l’apaisa immédiatement, accompagnée de la voix de Kazey qui se résumait à un murmure : - Tout va bien, Cassie. Tout va bien. - Non, ça ne va pas, sanglota-t-elle. Le jeune homme soupira et le lit pencha alors qu’il s’asseyait à ses côtés. Cassie se releva sans plus y réfléchir pour se réfugier dans ses bras. Elle se sentait en sécurité près de lui. Peut-être parce qu’elle le connaissait depuis toujours, ils avaient grandis l’un à côté de l’autre et avaient même été amis il y a très longtemps de ça. - Je sais, souffla-t-il. Mais ça va aller. Il semblait le penser et Cassie eut envie de le croire. Il passa à nouveau une main réconfortante sur ses cheveux. La jeune fille répondit en logeant son visage dans son épaule et ils restèrent silencieux pendant un long moment. - Tu te souviens, dit-elle d’une voix enrouée. Quand on était gosse et qu’on ne voulait pas se lâcher. - Ouais… Cassie entendait un sourire dans sa voix, mais elle était trop confortablement installée pour avoir envie de bouger afin de vérifier. Elle passa ses bras autour de la taille de Kazey et soupira. - C’était tellement simple à l’époque. Je ne sais pas comment on a pu en arriver là. - On a grandi. On était toujours ensemble parce que ta grand-mère adorait ma mère, mais on les a perdues toutes les deux et il est peut-être devenu trop difficile d’être proche. Ça faisait remonter trop de souvenirs. Cassie acquiesça doucement. - Tu m’as manqué, murmura-t-elle et elle ne se rendit compte qu’en le disant qu’elle le pensait réellement. - Toi aussi. Sauf pour les fois où tu me faisais boire tes concoctions bizarres. La jeune fille se trouva à rire doucement. - Je voulais faire des cocktails ! Mais je t’avoue que je prenais à peu près tout ce qui me tombait sous la main. - Incluant le produit de vaisselle ? Cassie pouffa et fit mine de lui frapper le biceps. - Je pensais que tu avais oublié, avoua-t-elle après un moment. Etre serrée contre lui, dans la chambre mal éclairée avec la pluie qui tombait au dehors et frappait les fenêtres était incroyablement confortable. Le temps semblait avoir ralenti autour d’eux, comme s’il ne voulait pas brusquer la douceur de cet instant. - Comment veux-tu que j’oublie mon premier baiser, plaisanta-t-il. Cassie bougea à cela pour le dévisager et il sourit en comprenant qu’elle ne s’en souvenait pas. La main qui était toujours sur ses cheveux la poussa à reprendre sa place sur son épaule avant qu’il n’explique avec une voix amusée : - On devait avoir sept ou huit ans, il y avait une autre gamine dans le quartier qui était là pour les vacances et elle me suivait partout. Je pense que ça t’as rendue jalouse, parce que tout à coup, tu l’as poussée et tu t’es tournée vers moi. Tu m’as collé un énorme baiser sur les lèvres avant de décréter qu’on allait se marier quand on serait grand. Les épaules de Cassie tremblèrent alors qu’elle riait doucement. - Et qu’est-ce que tu as fait ? - Moi ? J’étais d’accord. Je pensais que tu étais une princesse sortie tout droit d’un Disney avec ta longue tresse blonde. - Ah oui ? - Mhm. Ils rirent tous les deux et Cassie resta là. Ses soucis à des années lumières de son esprit. Elle se sentait bien. Le silence s’installa et s’étira sans qu’aucun d’eux ne ressente le besoin de le briser. 1 - Adaptation Il est dix-huit heures quand je me lève. Je suis un démon depuis deux jours et mon corps semble être adapté au rythme noctambule. Je descends les marches et repère Jesse, déjà assis dans la cuisine de notre duplex, un verre de liquide ambré à la main.
- Sérieusement ? Tu bois du whisky au petit-dèj ? Il hausse ses épaules, les muscles roulent sous sa peau dorée. Ses cheveux bruns coincés derrière ses oreilles et ses yeux d’une couleur indéfinissable, quelque part entre le vert et le noisette, me disent qu’il vient de se lever lui aussi. Il est magnifique ce crétin et depuis qu’on a hérité de nos nouveaux corps, il passe son temps à moitié nu. - Pour l’effet que ça me fait, répond-t-il, ça pourrait aussi bien être du jus de pomme. - Mais avec un goût plus dégueulasse. - On s’y fait. Je suis en train de faire bouillir de l’eau pour le thé quand il prend la parole. Je l’entends avaler bruyamment avant de parler. - Adriana a déposé ça pour toi. D’un geste du doigt, il désigne un sac à vêtement noir qui contient certainement un costume. Je hoche la tête en remerciement et remarque qu’il a la bouche pleine. - Qu’est-ce que tu manges ? demandé-je avec une mine dégoutée. - Du bœuf séché. - Au petit-déjeuner, Jesse ? - J’ai faim ! contre-t-il. Et pis, tu m’as vu ? Je peux bouffer ce que je veux. Il se lève et désigne ses tablettes de chocolat impressionnantes pour faire bonne mesure. J’ai la soudaine envie de soulever mon t-shirt pour comparer avec les miennes. Je secoue la tête et reviens à ma bouilloire qui siffle. - Comment s’est passé ta première nuit en ville ? demandé-je quand je m’installe face à lui avec ma tasse de thé fumante. - Génial ! T’aurais vu ça, je suis entré dans le club et personne ne pouvait me lâcher des yeux. Nora bavait littéralement devant moi. Nora, comme il me l’a expliqué est une strip-teaseuse dont il était tombé amoureux. Elle s’est foutue de lui à l’époque et lui a extorqué de l’argent avant de le jeter comme un malpropre. Il y a ce truc chez Jesse qui rend tellement simple d’abuser de lui. Il a une naïveté presque stupide. Il n’a rien d’un gosse, encore moins depuis qu’il a son nouveau corps, mais il a la mentalité d’un gentil garçon de la campagne, alors forcément, il ne voit pas quand les gens se foutent de lui. Mais quelque chose me dit qu’ils auront moins tendance à le faire maintenant. C’est assez triste comme constat, mais c’est vrai, on a moins d’emmerdes quand on est beau. - Donc, tu as conclu le deal ? - Plutôt deux fois qu’une. Il me fait un clin d’œil et je fais mine de gerber dans ma tasse. Au moins, ça a le mérite de le faire rire. - Nous superpouvoirs sont carrément plus cool que ceux de superman. Je lève les yeux au ciel au terme superpouvoir. Il se prend pour un Avenger ou je ne sais quoi. Hier, il s’est amusé à soulever le canapé tout seul pour mesurer notre force et quand il a compris qu’il pouvait le garder au-dessus de sa tête avec une seule main, il a couru dans tout l’appartement à ma recherche pour me montrer l’exploit. Je n’arrive pas vraiment à le détester, même s’il m’a tué. Il me fait penser à un chiot géant sous stéroïdes. Adorable au point qu’on ne peut pas lui en vouloir même s’il pisse dans vos chaussures. - Et toi, qu’est-ce que tu as fait hier soir ? - Je suis resté là. - A te branler ? déduit-il immédiatement. T’as plus besoin de faire ça, tu sais. Mais je comprends, moi aussi quand j’ai vu la queue que m’a donné Adriana, j’étais genre ouah, elle a pas lésiné sur la marchandise et… - Arrête de parler de ta queue ! grogné-je en me frottant le visage d’une main dure. Et j’avais juste besoin de m’habituer c’est tout. Oui, j’ai passé pas mal de temps ces derniers jours à me regarder dans le miroir pour me faire à ma nouvelle apparence. Je sais que je dois sortir pour finaliser le deal. Je dois retrouver Sienna. Mais le fait est que se déplacer dans un corps qui mesure plus d’un mètre quatre-vingt-dix, ce n’est pas la même chose que dans un corps d’un mètre soixante-quinze. J’ai passé plus de deux heures à m’examiner sous toutes les coutures. J’ai la peau mate maintenant, comme si j’avais passé des heures à poil au soleil, mes yeux ont changé et sont passés d’un vert banal à un vert clair avec une couronne dorée autour de la pupille. J’ai le nez droit et la ligne de ma mâchoire est bien dessinée. Mon reflet dans le miroir m’a fait penser à une pub Colgate quand j’ai souri. Mes cheveux sont brillants, bruns avec des reflets cuivrés. Alors, je suis resté comme un con à regarder la forme et à tâter les muscles. Et oui, peut-être que je me suis effectivement branlé sous une douche brûlante, mais je ne compte pas en débattre avec Jesse. Le truc, c’est que je suis excité, c’est comme un courant sous ma peau. L’envie de sexe qui ne me lâche pas, c’est comme une faim incontrôlable. Peut-être est-ce le cas. Je suis un Incube maintenant. - T’as remarqué notre manque de pilosité ? - Ta gueule Jesse ! - Oh, ça va, grogne-t-il. T’es pas du matin, ou t’es toujours un connard ? Attends, c’est ton deuxième prénom ? Lane Connard Jones ? - Non, en fait c’est mon premier prénom, le Connard vient avant le reste. - Ah ben, je t’appellerai Connard à l’avenir. - Fais-toi plaisir. On finit le petit-déjeuner en silence. Je ne ressens pas le besoin de parler, mais Jesse soupire rapidement avant de relever ses yeux multicolores vers moi. - T’as prévu quoi pour ce soir ? - Je vais finaliser le marché. - Avec la fille qui t’a largué ? - Oui. Elle ne sort pas souvent, mais elle a une soirée d’affaire ce soir, la remise d’un prix d’architecture à un de ses collègues. Je pense que ce sera moins louche de la trouver là-bas que de me pointer sur le pas de sa porte. Jesse hoche la tête, songeur. - C’est pour ça qu’Adriana a déposé ça ? demande-t-il en désignant le costume. Je hoche la tête. J’en ai parlé à la démone quand elle m’a demandé pourquoi je ne me bougeais pas les fesses hier soir. - Je peux venir avec toi ? demande Jesse. Je le fixe avec suspicion, mais il m’accorde un large sourire. - Allez, Connard. Le soutien fraternel entre Incubes et tout ça ? Et puis il y a possibilité de choper de la business girl… Je soupire, mais quelque part, ça me rassure de ne pas y aller seul. - Il faudra juste qu’on trouve le moyen d’enter, concédé-je. - Oh, t’inquiète ! s’amuse Jesse. On entre où on veut quand on veut… Je lui accorde un regard interrogateur et ses yeux se mettent à briller de malice. - Tu verras bien quand tu sortiras. L’effet qu’on fait aux gens, c’est dingue. Superpouvoir, je te dis. Je lève les yeux au ciel. Dire que je suis coincé avec lui… Je débarrasse ma tasse et prends la direction de ma chambre à l’étage. Je suis au milieu des escaliers quand je pense à crier « trouve-toi un costume ! » - Ça marche, Connard ! Ouais, c’est ce qu’est devenu ma vie depuis que je suis mort. Prologue - Le contrat C’est con de mourir comme ça. Non, vraiment. Je sortais juste pour prendre l’air et calmer mes nerfs. Je voulais simplement oublier que la femme que j’aimais venait de rompre avec moi. Et je suis mort. Je pleurais quand c’est arrivé d’ailleurs. Ouais, je suis mort comme un con qui pleure.
D’abord, je n’ai pas compris ce qui se passait. J’ai entendu le bruit de freins qui crissent sur le pavement. Je me suis dit que la pluie y était pour quelque chose, mais je ne me suis pas inquiété. J’étais trempé, dévasté, le cœur brisé. Et puis, j’étais sur le trottoir, en toute logique, je ne risquais rien. Sauf qu’au moment où Sienna m’envoyait chier à coup de « tu es trop sérieux et ce n’est pas la direction que je veux pour ma vie… », à l’autre bout de la ville, un mec en était à son septième verre et se disait qu’il était temps de rentrer. Bien sûr, pas plus que moi, il ne se doutait que nos vies allaient entrer en collision. Littéralement. C’est comme ça que je suis mort, et lui aussi. Pas en me percutant, c’est le poteau qui l’a achevé. Et on s’est retrouvés là, deux esprits complètement perdus à regarder nos corps sans vies. Je l’aurais bien tué le chauffard, mais il était déjà mort alors je me suis dit que ça ferait doublon. Mais le truc, quand on meurt avec un désespoir aussi frais que le mien, c’est que ça attire les démons. Elle est arrivée dans toute sa splendeur démoniaque, des cheveux noirs d’encre qui tombaient raides et épais jusqu’au bas de son dos, des yeux rouges rubis, bordés de cils épais, des lèvres pleines gainées de rouge et sublimées par une moue aguicheuse. Un long corps aux mouvements félins moulé dans une robe noire qui lui allait à merveille, des jambes interminables desquelles je ne pouvais pas détacher les yeux. Elle dégageait une aura purement sexuelle et je crois que même le chauffard se serait mis à genoux si cette démone le lui avait demandé. Moi, je n’étais pas mieux, c’était plus fort que moi, j’avais envie de toucher, de goûter sa perfection. Elle était comme une flamme qui hypnotise au point qu’on veuille y plonger, tout en sachant que ça ne peut rien apporter de bon. Elle s’est arrêtée devant nous et nous a fixés un long moment avec un demi-sourire qui laissait croire qu’elle connaissait parfaitement l’effet qu’elle avait sur nous. J’avais chaud, terriblement chaud. Au point de penser que j’allais brûler si je ne pouvais pas la toucher. Elle a pris la parole et ça a été pire, parce que peu importe ce que sa voix disait, ça donnait l’impression d’insanités soufflées à l’oreille du genre qui fait trembler de désir aux heures les plus secrètes de la nuit. Ce qu’elle nous a dit, c’était son nom : Adriana. Et je m’imaginais déjà le gémir. Ce n’est pas arrivé, bien sûr. Adriana n’était pas là pour jouer, elle venait pour affaire. Pour passer un contrat. Pour m’offrir tout ce que je n’avais pas eu dans ma vie : la beauté, l’aisance, le pouvoir. Soyons clair, je n’étais pas moche quand j’étais humain, mais j’étais plutôt banal. Là, elle me proposait la Beauté avec un grand B, du genre dont les femmes rêvent la nuit et qui les font se réveiller agitées, trempées et encore rêveuses. Et au chauffard – Jesse, comme j’allais l’apprendre plus tard – elle lui offrait le même deal. Évidemment, il y avait un prix à payer. Le prix étant qu’on liait nos âmes à elle. En échange de tout ça, on acceptait de devenir des émissaires de la corruption. C’est comme ça que je suis devenu un Incube et je me suis retrouvé coincé avec Jesse, le mec qui m’avait tué devenu Incube lui aussi. Collègues de boulot à Philadelphie. Et notre premier job était d’aller pomper un peu d’essence vitale à une personne qu’on a aimé. Le seul moyen pour finaliser le deal. Adriana nous a séparés et quand on s’est retrouvés, je n’ai pas reconnu Jesse. Il n’avait plus rien du campagnard mal bouché qu’il avait été. Il avait un physique de dieux grec et une voix grave, profonde, un timbre de velours dans lequel on avait envie de se rouler. J’ai secoué la tête pour faire passer l’image. - Bienvenue chez vous, nous dit Adriana en désignant l’appartement du centre de Philadelphie. C’était gigantesque et lumineux. Des espaces ouverts, des meubles métalliques et bois usés, comme s’ils venaient d’un entrepôt, mais le tout très design. J’ai aimé tout de suite, en particulier les canapés en cuir. Le seul problème était de m’installer avec celui qui m’avait tué, mais comme l’a dit Adriana. - Tu vas pas rester focalisé là-dessus mon choux, on fait tous des erreurs dans la vie. Un chauffard qui m’a tué, devenu Incube et une démone arrogante obsédée par les âmes qui utilise des surnoms ridicules, voilà qui sont les enfoirés devenus mes meilleurs amis. Et les personnes les plus importantes de ma vie. Du moins, ils le sont maintenant, mais lors de ma première mission… tout n’était pas si simple. Cette histoire est écrite dans le cadre du camp Nanowrimo, elle pourra donc être modifiée en cours de route. Chapitre 7 Kazey n’était pas très bavard ce matin et Cassie se demandait si ça avait quelque chose à voir avec sa réflexion devant les douches de l’enfer. Plus elle y pensait, plus elle en doutait, c’était le genre de choses qui n’atteignaient pas Kazey, il était bien au-dessus de ce que les autres peuvent penser de lui. Il était certainement perdu dans sa propre tête, voilà tout.
La radio allumée remplissait l’habitacle de chansons démodée et Cassie se demanda s’il était branché sur radio-ringard. S’il avait été de meilleure humeur, elle lui aurait sans doute posé la question, mais dans l’état des choses, elle préféra se taire. Elle posa le front contre la vitre le montant de la portière pour profiter du vent qui balayait son visage par la fenêtre ouverte et se demanda ce qui se passait à Resington en ce moment-même. Comment ses parents avaient-ils pris son départ ? Est-ce qu’ils la cherchaient malgré sa demande de ne pas le faire ? Est-ce qu’ils se déchiraient pour rejeter la faute l’un sur l’autre ? Elle ferait sans doute bien d’écouter leurs messages pour connaitre la réponse, mais elle ne savait pas si elle était prête pour cela. - Tu as dit à ton père que j’étais avec toi ? demanda-t-elle d’une voix absente. Kazey garda le silence encore quelques secondes. Il lança un regard dans sa direction avant de le reporter à nouveau sur la route. - Non, répondit-il enfin. Mais s’il m’en parle, je ne mentirai pas. Cassie hocha la tête. Elle s’en doutait un peu, elle n’imaginait pas Kazey cacher des choses au shérif. - Est-ce qu’il vous arrive de ne pas vous dire certaines choses ? Kazey la scruta comme s’il pesait le pour et le contre d’engager une conversation avec elle, puis il haussa les épaules. - Pas vraiment, non. J’évite de parler de ma vie sexuelle, mais à part ça… - T’as une copine ? s’étonna Cassie. Il parut mal à l’aise un moment avant de répondre : « non, plus maintenant. » - Vous avez rompu ? - Non, elle est partie. Cassie chercha rapidement dans sa mémoire les filles du lycée qui avaient déménagé en cours d’année. Il y en avait quelques-unes, dont Heidi. Certains considéraient que Cassie et elle avait été rivales, mais ennemies juré aurait été plus correcte. Cette fille avait été le Joker de son Batman. - C’était Heidi ? demanda-t-elle avec dégout. Elle ne savait pas pourquoi cette idée était si dérangeante, imaginer les sales pattes d’Heidi sur Kazey lui donnait envie de sortir les griffes. A sa surprise, Kazey pouffa en secouant la tête. - Ce n’était pas une fille de l’école. - Qui alors ? Est-ce que je la connais ? Ne me dis pas que l’histoire des cougars est vraie… - Oui et non. - Comment ça, oui et non ? - Oui, tu la connais et non, je n’étais pas sérieux à propos des cougars. - Qui est-ce alors ? Kazey prit une grande inspiration, comme si cette histoire le peinait. Une de ses mains abandonna le volant pour passer dans ses cheveux en bataille, ce qui ne fit rien pour arranger leur cas. - Ecoute, finit-il par souffler. On n’est pas vraiment amis toi et moi, donc je préférerais qu’on oublie ça. Cassie ne sut pas pourquoi ça la blessait. Il avait raison, ils n’étaient pas amis et il n’avait aucune raison de lui faire confiance. Elle hocha la tête et le silence revint entre eux. *** A l’heure du déjeuner, Kazey s’arrêta dans un burger King. Ils étaient à présent quelque part aux environs de Saint Louis, Missouri. Ils avaient dépassé Indianapolis plus tôt dans la journée. Dès que le pick-up fut arrêté, le jeune homme en sortit et s’étira en soupirant, puis il marcha quelques pas pour soulager ses jambes. Cassie l’imita tout en sortant son téléphone. Elle ignora les nouveaux messages de ses parents et chercha Dan dans son répertoire avant d’appuyer sur le bouton d’appel. La tonalité résonna cinq fois avant que le répondeur ne prenne le relais. Elle avait déjà essayé d’appeler son petit-ami plusieurs fois, mais elle n’arrivait pas à le joindre. Elle n’avait plus qu’à espérer qu’elle réussirait avant de rejoindre Los Angeles. Kazey lui demanda ce qu’elle comptait commander et elle lui répondit de prendre un cheeseburger. Il entra pour lui laisser de l’espace pendant qu’elle passait ses coups de fils. Elle appela Eva en pensant qu’elle ne l’aurait pas non plus, mais son amie décrocha rapidement. - Tes parents vont te flinguer quand ils recevront la facture, fut la première chose qu’elle lui dit mais Cassie entendait le sourire dans sa voix. Elle sentit sa gorge se serrer. Elle avait l’impression que son amie et elle étaient séparées depuis des siècles. - Je me suis barrée, annonça-t-elle un peu honteuse. - Comment ça ? - Je ne sais pas. C’était la guerre chez moi, et je pensais à toi et à Dan, et à mon anniversaire, débita-t-elle. Et je ne voulais pas le passer là, tu comprends et je n’ai pas réfléchis. Je suis près de Saint Louis avec Kazey. - Kazey ? Ton voisin sexy Kazey ? - Je croyais que tu en pinçais pour son père… - Tel père, tel fils. Cassie eut un rire qui ressemblait drôlement à un sanglot. - Oh, tu me manques, avoua-t-elle. Et oui, avec mon voisin – l’emmerdeur – Kazey. - Qu’est-ce que tu fous avec lui ? - Road Trip. Eva éclata de rire. - Je ne savais pas que tu avais le sens de l’aventure, mais je regrette de ne pas être là. Oui, Cassie aussi regrettait son absence. Mais elle préféra changer de sujet que de se remettre à broyer du noir. - Et toi, qu’est-ce que tu racontes ? Comment c’est Paris ? - Les mecs sont à la mode ! - Quoi ? s’amusa Cassie. - Tu sais bien, les gars de Resington passent leur temps en t-shirt sportifs et compagnie, je peux te dire que j’ai vu le changement en débarquant ici. Oh et, je suis allée au musée du Louvres hier où j’ai tenté de parler à un mec canon, j’ai bafouillé le peu de français que je connais, seulement pour me rendre compte après que c’était un touriste et qu’il parlait espagnol. Cassie pouffa sans pouvoir s’en empêcher. Il n’y avait qu’Eva pour se concentrer sur les mecs où qu’elle aille. Les toiles de maîtres ne tenaient visiblement pas la comparaison. - Oh, tu peux bien rigoler, n’empêche, je sens que j’ai une chance avec le serveur au bar de l’hôtel. Je peux picoler en plus, vive la France. - Et qu’en disent tes parents, taquina-t-elle. - Ma mère est trop occupée à être terrifiée par les mecs qui nous accostent toutes les cinq minutes pour nous vendre des mini tours Eiffel, elle les soupçonne d’être un réseau qui va nous enlever pour nous marier en Arabie Saoudite. - Ah… ta mère. - Dans toute sa splendeur, approuva Eva. Et mon père, bah tu le connais. Fasciné par l’architecture, fasciné par l’art, il a les yeux partout. Je ne suis pas certaine qu’il ait remarqué qu’on est là. - Ne me dis pas qu’il s’est acheté un béret et qu’il s’est mis à peindre. - Pas encore, mais ça ne saurait tarder. Cassie sourit avant d’entendre quelqu’un parler dans le fond et Eva répondre qu’elle arrivait. - Il faut que je te laisse, soupira-t-elle. On va diner chez Les Bouquinistes. Cassie jeta un regard au Burger King où elle allait déjeuner et sourit. - Moi, je vais au Fouquet’s, lança-t-elle. On se rappelle. - Ok. Essaie de ne pas tuer ton voisin, ce serait du gâchis. - Je vais me retenir. Bonne chance avec le mec du bar. - Je n’ai pas besoin de chance, j’ai du talent et du charme. - A plus, Eva. - Bye. Cassie raccrocha et entra pour rejoindre Kazey qui avait déjà commandé pour elle et buvait un soda à travers une paille qu’il ne prit pas la peine de sortir de sa bouche avant de parler. Il la coinça entre ses dents blanches et régulières et arrêta d’aspirer avec un psitt audible. - Alors, tu as parlé à tes parents ? demanda-t-il avec une mine qui laissait croire qu’il s’apprêtait à la consoler après un moment difficile. - Non, répondit-elle en s’emparant de son burger. J’étais au téléphone avec Eva, je ne compte pas appeler mes parents. La mine de Kazey se fit plus sombre, il ne cherchait pas à cacher sa désapprobation. Cassie s’attendait à ce qu’il parte en croisade pour lui expliquer à quel point son comportement était égoïste et immature, mais à sa grande surprise, il secoua la tête et se concentra sur ses frites. - Tu ne comptes pas me faire un discours ? demanda-t-elle. - Ça ne servirait à rien. Tant mieux. Il avait enfin compris que son cas était désespéré. Elle se répéta que ça lui ferait des vacances, mais au fond elle aurait peut-être voulu que le chevalier de la bonne cause se batte un peu plus. Cette histoire est écrite dans le cadre du camp Nanowrimo, elle pourra donc être modifiée en cours de route. Chapitre 6 Cassie fut réveillée par une large main secouant son pied. Elle répondit en grognant avant d’enfoncer sa tête dans le sac de couchage, seuls ses longs cheveux blonds restèrent visibles, ressemblant à un enchevêtrement de paille. Elle n’avait aucune idée de l’heure qu’il était, mais elle avait l’impression de n’avoir fermé les yeux qu’une seconde et d’être plus épuisée qu’elle ne l’était en se couchant.
- Allez, lève-toi. - ‘core cinq minutes, plaida-t-elle en repliant les jambes pour soustraire son pied à la main malveillante qui tentait de l’éloigner de son rêve. - Comme tu veux, mais je ne te garantis pas que ta part du petit-déjeuner soit épargnée. Malgré son envie de replonger dans le sommeil, l’idée de nourriture poussa la jeune fille à ouvrir les yeux. La première chose qu’elle vit fut le plafonnier et elle se souvint instantanément de l’endroit où elle se trouvait. - Petit-déjeuner ? demanda-t-elle en reportant son attention sur Kazey qui lui tournait à présent le dos, calé contre la portière ouverte du côté passager. - Mhm, répondit-il la bouche pleine. - Ok, pousse-toi. Kazey lui lança un regard amusé par-dessus son épaule avant de s’exécuter. Une fois la place libre, Cassie se tortilla jusqu’à ce que ses jambes toujours coincées par le sac de couchage pendent hors du siège. Elle tenta de s’en débarrasser sans grand succès et le fait que son voisin ricane à ses dépens n’aidait certainement pas. - Tu ne veux pas me filer un coup de main, au lieu de te marrer ? gronda-t-elle. Le jeune homme haussa les épaules en tentant de cacher un demi-sourire. - Oh, je sais pas. C’est plutôt divertissant. Autant pour son image impeccable de Saint Bernard. - Sale con, marmonna-t-elle. Elle ne s’attendait pas à ce que l’insulte le fasse éclater de rire, mais lorsqu’elle releva la tête de surprise, il était bel et bien plié en deux, à rire comme s’il n’avait rien vu de plus drôle depuis des années. Elle essaya de se libérer à coup de pieds, mais ne réussit qu’à tomber du siège sur le sol avec un petit cri outré, ce qui le fit rire plus fort. Finalement, il posa sa tasse à emporter à vint lui prêter main forte. Il s’empara du bout de tissu. - Tends les jambes, commanda-t-il. Cassie aurait voulu refuser, mais elle commençait à en avoir assez de se débattre avec le sac de couchage, aussi elle étendit les jambes et le laissa tirer pour la dégager. Une fois le sac en main, il se remit à rire et Cassie le fusilla du regard. - Qu’est-ce qu’il y a de si drôle ? râla-t-elle. - Y avait… (il riait trop fort pour continuer, mais prit une grande inspiration.) Y avait une glissière pour l’ouvrir, éructa-t-il avant de se remettre à rire. Son visage était différent quand il riait. Avant ça, Cassie n’avait jamais remarqué à quel point ses fossettes étaient visibles. Deux sillons qui marquaient ses joues et donnait à son visage un côté doux qu’il n’avait habituellement pas. Il riait avec tout son corps, ses larges épaules secouées et une de ses mains sur son pectoral, comme s’il cherchait à reprendre de l’air, mais n’y parvenait pas. Cassie resta interdite un long moment avant de se souvenir que cette vision était due à son humiliation. - T’aurais pas pu me le dire avant que je me casse le coccyx ? Kazey rit plus fort encore et la jeune fille décida de l’abandonner. Elle remonta dans le camion et s’enferma dedans alors même qu’elle l’entendait l’appeler - Oh Cassie, ne le prends pas comme ça… - Va te faire foutre, marmonna-t-elle trop bas pour qu’il l’entende. Kazey la laissa tranquille une minute avant d’ouvrir la portière et d’entrer à sa suite, forçant la jeune fille à lui faire de la place. Il déposa une tasse en carton sur ses genoux, ainsi qu’un sachet de papier brun dans lequel elle trouva deux cupcakes. - Où est-ce que tu es allé pêcher ça ? demanda-t-elle malgré elle. Elle doutait qu’il ait un commerce accessible à pied et Kazey n’avait clairement pas pu conduire sans s’assoir sur la tête de Cassie. Sa mère avait beau prétendre qu’elle avait un sommeil de plomb, elle était à peu près certaine qu’elle se serait rendu compte de cela. Le jeune homme lui accorda un de ses sourires supérieurs, le même qu’on prenait avant d’annoncer qu’un magicien ne révèle jamais ses tours, mais il finit par hausser les épaules. - Loretta m’a emmené avec elle en ville. C’est une femme charmante. - Loretta ? Kazey désigna la fenêtre d’un mouvement de la tête et Cassie suivit la direction des yeux jusqu’à remarquer un peu plus loin, une des familles qui passait la soirée autour du feu de camp la veille. Parmi eux, la mère dans un short en jeans blanc et un chemisier jaune passait des pâtisseries à ses enfants qui semblaient répugner autant que Cassie à l’idée de se lever. - Tu es allé copiner avec la mère de famille ? Elle n’avait elle-même aucune idée de la raison pour laquelle elle trouvait la situation comique, mais c’était le cas. - C’est elle qui est venue copiner avec moi, se défendit faussement Kazey. Tu sauras que je plais beaucoup aux mères de famille. - J’en conclus que tu as de la chance avec les cougars du quartier ? Il prit un air offensé, démentit par l’amusement qui brillait dans son regard. - Pour qui est-ce que tu me prends, rétorqua-t-il en portant une main à son cœur. Bien sûr que non, je ne touche pas aux cougars du quartier… je vais dans le lotissement voisin. Cassie pouffa et sa mauvaise humeur s’évapora. Elle ne se ferait jamais à l’idée que Monsieur l’Emmerdeur ait un sens de l’humour. Elle mordit dans un cupcake red velvet et grogna de contentement. - Ok, lança Kazey en claquant son genou d’une main décidée. Je te laisse manger, je vais voir si je trouve les douches dont m’a parlé Loretta. *** Les douches en question s’avérèrent être une antichambre de l’enfer. L’eau était froide, l’hygiène douteuse et les loquets branlants. De toute sa vie, Cassie ne se rappelait pas s’être jamais lavée aussi vite. Elle ne quitta jamais sa paire de sandale, quitte à les passer ensuite par la fenêtre de la voiture pour les faire sécher, tout valait mieux que l’idée de devoir toucher le sol de cette décharge avec sa peau nue. Dès qu’elle fut habillée, elle s’empressa de rassembler ses longs cheveux blonds dans un chignon désordonné qu’elle ne s’autorisait habituellement à porter que dans l’intimité de sa chambre, mais peu importait. Elle ne tenait pas à passer plus de temps que nécessaire ici. Elle jeta un coup d’œil au miroir où elle capta son reflet entre deux traces de saleté et détourna aussitôt la tête. Mieux valait ne pas s’appesantir. Elle n’avait pas l’habitude de sortir sans être coiffée correctement et maquillée, mais elle ferait une exception. Elle garda sa trousse de toilette avec elle et replaça son sac sur le plateau du pick-up. Elle se brossa les dents, assise dans le camion, les jambes à l’extérieur en utilisant la bouteille que Kazey gardait sur le siège. - Bon sang, j’aurai tout vu, se moqua le jeune homme en revenant à son tour vers le véhicule. - Quoi ? grogna-t-elle la bouche pleine de dentifrice. - Ta réputation en prendrait un coup si quelqu’un te voyait en ce moment. Cassie recracha avant de tourner un regard blasé vers le jeune homme. Bien sûr, il pouvait parler avec son t-shirt sans forme, son jeans délavé et ses cheveux encore mouillés qui pendaient sur son front, mais dont Cassie ne doutait pas qu’ils reprendraient leur position anarchiste dès qu’ils commenceraient à sécher. - Ce n’est pas comme si j’allais croiser quelqu’un qui en vaille peine, répondit-elle en pensant à ses connaissances du lycée. Il était certain qu’elle ne serait jamais sortie dans les rues de Resington comme ça. Ce ne fut qu’en voyant le regard blessé de Kazey qu’elle se rendit compte de la réflexion qu’elle venait d’avoir. Comme si par-là, elle insinuait qu’il ne valait rien. Mais ce n’était pas ce qu’elle avait voulu dire. Elle s’apprêtait à s’expliquer, quand toute vulnérabilité s’effaça du visage du jeune homme. Il avait ce même air qu’il avait toujours, hautain et sérieux. - Tu ferais bien de terminer, dit-il calmement en désignant la bouteille qu’elle tenait d’une main et la brosse à dents dans l’autre. On décolle dans deux minutes. Il disparut alors à l’arrière où il rangeait certainement ses propres affaires. Cassie avait l’impression qu’il risquait d’être moins jovial que ce matin et elle détesta cela. Le voir plié de rire lui manquait déjà. Cette histoire est écrite dans le cadre du camp Nanowrimo, elle pourra donc être modifiée en cours de route. Chapitre 5 - On dort à la belle étoile cette nuit.
La voix de Kazey était trop basse pour la faire sursauter, mais elle la ramena dans le monde des vivants. Cassie ouvrit les yeux, bien qu’elle ne se souvienne pas les avoir fermés et lança un regard du côté de son compagnon de route dont les traits soulignés par les phares des voitures qu’ils croisaient, donnaient l’impression qu’il était épuisé. Sur une échelle allant de « pleine forme » à « zombie », elle l’aurait placé du côté des zombies sans la moindre hésitation. Il lui retourna son regard, mais reporta rapidement son attention sur la route en actionnant le clignotant droit. Il prit une sortie qui leur fit quitter la voie et s’arrêta devant une borne dont l’état prouvait qu’elle aurait grandement besoin d’être remplacée. Il ouvrit la fenêtre et appuya sur un bouton rouge d’où il récupéra un ticket. La barrière se souleva et le pick-up avança. - J’espère que les moustiques ne te font pas trop peur, la taquina Kazey. Elle ne prit pas la peine de lui répondre et regarda autour d’elle pour découvrir des emplacements de camping. Certains des campeurs s’étaient installés avec des tentes, d’autres avec des camping-cars. Un peu plus loin, plusieurs familles semblaient s’être réunies autour d’un feu de camp. Cassie en ressentit un pincement au cœur. Voilà ce que devaient être les vacances d’été, ce qu’elles auraient pu être si sa famille ne se déchirait pas. Kazey roula un peu plus loin, puis s’arrêta lorsqu’il furent en marge des autres, mais pas assez loin pour être coupés du monde. Cassie apprécia, elle ne tenait pas à partager la soirée de ces gens, mais elle ne se serait pas sentie en sécurité s’ils s’étaient trop éloignés. Kazey mit le frein à main et sauta hors du truck sans dire un mot. Cassie trouva le silence étrange après avoir été bercée par le moteur pendant si longtemps. Elle sortit son téléphone de sa poche pour vérifier l’heure, mais tout ce qu’elle vit furent les sept appels manqués de ses parents et plusieurs messages en attente. Elle fixa l’écran un long moment, mais finit par remettre l’appareil où elle l’avait pris sans les consulter. Elle se secoua un peu pour se débarrasser de sa tristesse soudaine et décida qu’il valait mieux rejoindre Kazey pour se changer les idées. Lorsqu’elle sortit à son tour de la cabine, le jeune homme sortait un sac du plateau. - Tu tombes bien, lança-t-il alors qu’elle approchait. Je me demandais si tu avais prévu de prendre un sac de couchage ou une couverture avec toi quand tu as décidé de filer. Cassie eut un peu honte de l’avouer, mais une chose aussi triviale ne lui était même pas venue à l’esprit. Elle secoua la tête pour signifier que non et Kazey soupira quelque chose qui ressemblait à « sais même pas pourquoi je demande ». Il se pencha et récupéra un sac de couchage bleu roulé qu’il lui lança. Cassie l’attrapa par réflexe et le regarda comme si elle ne savait pas quoi faire avec. Puis elle leva des yeux interrogateurs vers Kazey qui s’était remis à fouiller. - Tu en as deux ? demanda-t-elle. - Non. Prends la cabine si tu as peur des petites bêtes, je vais dormir ici. Il entreprit alors d’arranger les sacs pour se faire une place aussi confortable que possible pour dormir sur le plateau. Il repoussa certains des sacs contre la vitre qui le reliait à la cabine et mit les autres d’un côté. De l’un d’eux, il sortit une épaisse chemise à carreaux grise et rouge que Cassie trouva affreuse, mais qui semblait tenir chaud. Il la passa et resserra les pans autour de lui. Pendant tout ce temps, la jeune fille n’avait pas bougé, fixant avec fascination ses moindres gestes. Lorsqu’il la remarqua, toujours à la même place avec son sac de couchage dans les mains, il s’arrêta et la fixa à son tour. - Quoi ? demanda-t-il finalement. Ne me dis pas que tu ne sais pas dérouler un sac de couchage, tu enlèves juste le scratch et… - Non, le coupa Cassie. Ce n’est pas… Je sais très bien dérouler un sac de couchage. - Alors quoi ? Il semblait presque exaspéré. Cassie ne savait pas non plus pourquoi elle restait là plutôt que de s’installer dans la cabine. En réalité, si elle était honnête avec elle-même, elle devrait reconnaitre qu’elle était surprise et un peu émue du geste de Kazey. Il n’hésitait pas à lui donner son sac de couchage, alors qu’il devrait se contenter de son affreuse chemise pour se tenir chaud. Et cela, alors qu’elle s’était déjà invitée dans son voyage sans lui demander son avis et sans le prévenir. Mais elle ne pouvait pas lui dire ça. - Merci, se contenta-t-elle de répondre en désignant le sac. Bonne nuit. - Bonne nuit, Cassie. Elle tourna les talons et rouvrit la portière, elle déroula le couchage sur les sièges mais quand elle fut dans la cabine, elle regarda par la vitre arrière pour voir Kazey allongé, emmitouflé dans sa chemise. Il envoyait un message à dieu sait qui. Cassie se glissa dans le sac, mais resta un long moment les yeux ouverts fixés au plafond. Plus elle pensait au geste de Kazey, plus elle se disait qu’elle ne devrait pas en être surprise. Il se croyait peut-être mieux que tout le monde, mais dans le fond, c’était un saint Bernard. Il avait sûrement vu trop de films de superhéros quand il était enfant et avait adopté la politique de défendre la veuve et l’orphelin. Ou peut-être suivait-il simplement le chemin tracé par son père. Le shérif Lawson était un homme que tout le monde aimait. On ne pouvait pas faire autrement, il était bienveillant et brave. C’était un pilier de la communauté de Resington. Cassie sourit en se souvenant des fois où le père et le fils partaient pour leur jogging, à peine sortaient-ils de chez eux que toutes les voisines se mettaient à se recoiffer et à lisser leurs vêtements. Mais pour la première fois, elle se demandait si elles le faisaient pour le shérif ou pour Kazey. Ça ne lui était jamais venu à l’idée. D’ailleurs avant l’autre jour, elle n’avait même pas vu à quel point il avait changé. Elle secoua la tête. Elle devait vraiment être fatiguée pour perdre autant de temps à réfléchir à cela, ou à quoi que ce soit qui ait un rapport avec l’Emm… lui. Elle n’arrivait pas à penser l’Emmerdeur, alors qu’il passait la nuit dehors sans couverture pour lui épargner de le faire elle-même. Elle ferma les yeux et tenta de compter ses respirations pour s’endormir, mais à peine commençait-elle à sombrer qu’une sonnerie la fit sursauter. - Allo ? répondit la voix presque endormie du jeune homme à l’extérieur. Son interlocuteur répondit, mais Cassie n’entendit rien, pas même un bourdonnement. - Non, tu me déranges pas. Tu sors du boulot ? Cassie supposa qu’il s’agissait de son père. Elle roula des yeux. Ils étaient encore plus co-dépendants que ce qu’elle pensait. - Mhm, tout va bien. Je me suis posé pour la nuit. Ah ouais ? Mhm. A sa voix, Kazey semblait sur le point de s’endormir. - Sûr, je t’appelle demain. N’oublie pas que tu as rendez-vous avec le docteur Mitchell. Non, P’pa à dix-sept heures. La conversation continuait entre le père et le fils, mais Cassie n’écoutait plus vraiment. Elle n’était plus sûre de savoir comment respirer. Le docteur Mitchell était un cancérologue installé en ville. Lorsqu’elle était petite, sa grand-mère la gardait tous les soirs après l’école et Cassie se souvenait l’avoir accompagnée plusieurs fois dans au cabinet de ce docteur. Elle restait dans la salle d’attente et lisait les magazines de mode pour faire comme les grandes, pendant que sa grand-mère se rendait à sa consultation. C’était pour ça. Pas seulement parce que le métier du shérif était dangereux, mais parce qu’il avait un problème de santé. C’était la raison pour laquelle Kazey et son père passaient autant de temps que possible ensemble. Parce qu’ils pouvaient se perdre n’importe quand et qu’ils étaient tout ce qu’il restait à l’autre. Cassie serra ses lèvres tremblantes pour ne pas se mettre à pleurer. Pourquoi est-ce qu’elle s’était permis de juger au juste ? Elle pensait que Kazey jugeait les autres quand ils faisaient des choses stupides, mais les autres eux se permettaient de le juger alors qu’il voulait seulement s’accrocher au dernier parent qu’il lui restait. Elle aurait voulu s’excuser, mais il ne saurait certainement pas de quoi elle parlait. Les racontars étaient trop bas pour atteindre Kazey, il les prenait de haut, comme leurs conneries. Elle était d’ailleurs certaine qu’il l’enverrait sur les roses si elle tentait de le faire. - Ça va, Cassie ? Elle ne se rendit compte qu’alors que les larmes et quelques sanglots lui échappaient malgré sa volonté de les retenir. Elle ne trouva pas la voix pour répondre et Kazey sonna un peu plus inquiet. - Est-ce que tout va bien ? Tu veux que je vienne. - Non, souffla-t-elle malgré sa gorge nouée. Ça va passer. Bonne nuit, Kazey. - Ok, répondit-il avec réticence. ‘Nuit Cassandra. Cassandra. Elle avait horreur que les gens l’appellent comme ça. Seule sa mère le faisait à l’occasion et Eva quand elle était en pétard. Mais à ce moment, entourée de la nuit, bien au chaud dans le sac de couchage de Kazey, avec sa voix presque sourde. Ça ne lui faisait pas penser à sa mère, ni au ton moqueur d’Eva. C’était dit avec douceur, comme s’il s’agissait-là d’un surnom qu’on adopte avec affection. C’était presque intime et Cassie ne savait pas quoi faire de cela. Elle se tourna sur le côté et réfugia son visage contre le siège. Ses pleurs séchèrent rapidement et elle reprit le décompte de ses respirations jusqu’à se sentir flotter doucement avec l’arrivée du sommeil, puis elle sombra tout à coup. Cette histoire est écrite dans le cadre du camp Nanowrimo, elle pourra donc être modifiée en cours de route. Chapitre 4 Cassie révisa peu à peu son avis sur le confort du plateau. Ses jambes étaient pliées à un angle qui n’était confortable que les trois premières minutes et elle aurait voulu pouvoir glisser une couverture sous elle pour que sa peau ne soit pas en contact direct avec le métal ondulé, mais cela aurait voulu dire fouiller dans les affaires de Kazey, donc bouger et prendre le risque d’être repérée ; elle ne pouvait pas se le permettre.
Dans la cabine, le jeune homme ne fredonnait plus, il conduisait dans un silence paisible. Cassie entendait toujours vaguement l’autoradio - dont elle était presque sûre qu’elle passait une chanson de Katy Perry - mais il en avait clairement baissé le son. Il conduisait depuis plusieurs heures déjà lorsqu’il s’arrêta dans une station-service. Cassie fut tirée d’un léger état de somnolence par l’arrêt du pick-up. Elle grogna contre l’interruption avant de se rappeler de l’endroit où elle se trouvait et de plaquer une main sur sa bouche. Par chance, Kazey s’éloignait déjà et ne l’avait pas entendue. Elle tendit l’oreille et écouta patiemment, jusqu’à ce que les bruits de botte du jeune homme se soient dissipés, puis elle repoussa les sacs qui pesaient sur ses jambes et les étira du mieux qu’elle le pouvait dans l’espace réduit. Elle sortit son téléphone de sa poche et constata qu’ils étaient partis depuis presque quatre heures. Elle avait l’impression d’y avoir passé des jours, sans doute à cause de son assoupissement. Maintenant qu’elle était installée un peu plus confortablement, elle sentit des fourmillements parcourir ses membres alors que le flux de sang revenait douloureusement dans les muscles. Elle soupira et se rallongea en se demandant vaguement si ses parents s’étaient aperçus de son absence, avant d’en venir à la conclusion que ça n’avait aucune importance. La question qui avait sa raison d’être ici était de savoir si oui ou non, elle avait le temps d’abandonner sa place pour se rendre aux toilettes de la station et de revenir avant que Kazey ne soit de retour. Elle en doutait. Elle plongea la main dans son sac et en sortit une barre de chocolat qu’elle grignota pour se réconforter. Elle chiffonna l’emballage et le jeta par-dessus le rebord du plateau avant de replacer les sacs sur ses jambes qu’elle se vit forcée de replier malgré les protestations de ses membres qui se réveillaient à peine. Kazey revint quelques minutes plus tard – le bruit des bottes indiquait sa progression à Cassie – mais il ne monta pas directement dans la cabine pour se remettre en marche comme elle s’y attendait. Non, au lieu de cela, il s’arrêta à côté du pick-up, comme si quelque chose venait de capter son attention. Cassie sentit son cœur s’accélérer alors qu’elle faisait son possible pour ne pas laisser échapper un seul son. Même sa respiration lui semblait assourdissante tout à coup. Elle chercha ce qui avait pu faire tiquer le bizarromètre de Kazey et devina qu’il venait de remarquer le papier d’emballage de sa barre chocolatée. Bon sang, il allait faire un bon flic avec un flair pareil. Le silence s’étira pendant un long moment et la jeune fille commençait à penser qu’il était simplement reparti dans la station sans qu’elle l’entende, mais tout à coup, un poing s’abattit sur le métal du plateau et Cassie fut si surprise qu’elle sursauta en poussant un petit cri dont elle ne fut pas fière. Maintenant relevée, elle avait une parfaite vue sur le visage de Kazey qui semblait ne pas parvenir à se décider entre la colère et la surprise. Il tenait une bouteille dans une main et un sachet de m&m’s cacahuète dans l’autre, mais il semblait prêt à tout lâcher pour pouvoir l’étrangler. Cassie ne savait pas si elle devait s’expliquer ou si ça ne ferait que le faire enrager davantage. Dans le doute, elle releva une main hésitante et lui fit un petit salut avec un sourire d’excuse. Ça sembla sortir Kazey de sa torpeur. - Mais qu’est-ce que tu fous là ? grogna-t-il. - Je, euh… Cassie ne savait pas vraiment comment continuer cette phrase, elle était pourtant sûre d’avoir une excellente raison de se trouver ici, tout lui avait paru censé quand elle s’était faufilée depuis chez elle jusqu’à l’arrière du pick-up. Mais à présent, elle ne trouvait plus d’excuses valables pour avoir embarqué clandestinement. Voyant qu’elle n’allait pas continuer, Kazey soupira et ouvrit la cabine où il balança ses achats avant de claquer la portière avec plus de force que nécessaire. Il revint ensuite à l’arrière où il ouvrit l’aileron qui fermait le plateau. Il fit un mouvement de la main pour pousser Cassie à descendre, mais elle resta où elle était. Elle n’aimait pas voir le visage crispé par la frustration du jeune homme qui était habituellement impassible. Ses poings étaient serrés contre son jeans délavé et elle était quasiment sûre que ses épaules étaient plus rigides que d’ordinaire. - Sors de là ! grogna-t-il, plus exaspéré encore. Grouille-toi ! Cassie finit par obtempérer à contrecœur, malgré les jambes endormies et le mal de dos, elle se dit qu’elle n’était pas si mal en compagnie des bagages. Elle se fraya néanmoins un chemin en repoussant les sacs et posa les pieds au sol, mais ses jambes ne la soutinrent pas, trop endormies encore pour la maintenir à la verticale. Elle bascula en avant et se retint au torse qui lui faisait face. Quand elle releva les yeux vers le regard noisette qui semblait vouloir la faire se consumer par la simple force de sa volonté, elle préféra prendre appui sur le véhicule. - Qu’est-ce que tu foutais à l’arrière ? demanda-t-il à nouveau. T’as une explication ou c’est encore un de ces trucs débiles que tu fais parce que tu en as envie, sans te soucier des conséquences. Elle préféra ne pas répondre parce que tout ce qu’elle avait sur le bout de la langue à cet instant était un chapelet d’injures colorées dont elle aurait adoré gratifié cet emmerdeur. Ils restèrent à se fixer encore une bonne minute avant que Kazey ne se saisisse de son coude et ne l’escorte jusqu’au siège passager. Elle monta dans la cabine sans faire de difficulté et délogea les m&m’s et la bouteille qu’elle mit à ses pieds, elle ne tenait pas à faire enrager son voisin davantage. Si elle faisait profil bas, il finirait bien par se calmer, et à ce moment-là, ils pourraient avoir une conversation civilisée. Il fit le tour du capot et vint prendre place derrière le volant sur lequel il cala ses coudes avant de passer ses larges mains sur son visage, puis de les perdre dans ses cheveux bruns toujours aussi anarchistes. - Tu te rends compte que j’aurais pu être arrêté avec tes conneries ! commença-t-il avant de s’énerver pour de bon, sa voix se faisant plus sèche avec chaque mot. J’entre à l’école de police le mois prochain, je ne peux pas me permettre de me faire arrêter pour une de tes lubies, Cassie. Il t’arrive de réfléchir aux répercutions de tes actes, sur toi et sur les autres ? Non, bien sûr que non ! Tu t’es juste dit : « Tiens, je m’ennuie un peu si j’allais faire chier Kazey ! » Elle savait qu’il n’avait pas une grande estime pour elle, mais elle fut quand même blessée par son ton fataliste, comme s’il n’attendait pas mieux d’elle. - Je t’emmerde ! s’énerva-t-elle à son tour, mais elle fut coupée dans son élan. - Ça c’est sûr que tu m’emmerdes ! rétorqua le jeune homme dont les sourcils étaient si froncés qu’ils semblaient vouloir se rejoindre. J’ai plus qu’à me retaper la route en sens inverse pour te ramener chez toi. Tu viens de me faire perdre des heures. A la simple idée de rentrer chez elle, Cassie sentit son estomac se nouer à nouveau. Elle préférait passer des jours enfermée dans une voiture avec l’Emmerdeur en chef que de supporter encore les disputes de ses parents. Elle ne reviendrait pas sur ses pas, ils n’avaient qu’à trouver une solution tous seuls. Elle en avait marre d’être la fille invisible prise dans le tourbillon. Hors de question. - Non. - Comment ça, non ? - Tu ne me ramènes pas chez moi. Le jeune homme eut un rire incrédule, avant de se reprendre et de la regarder très sérieusement. - Tu as le choix : soit je te ramène à Resington, soit je te laisse ici et tu te débrouilles pour rentrer. Cassie y réfléchit une seconde, puis le fusilla du regard avant de descendre. Elle récupéra son sac sur le plateau et revint vers la porte passager laissée ouverte. Elle vit le regard hésitant de Kazey, comme s’il se demandait si elle était sérieuse. - Merci pour le voyage, lança-t-elle froidement avant de claquer la porte. A son ton, le visage du jeune homme se fit plus dur, plus résolu. Il resserra les mains sur le volants et lui lança un dernier regard avant de mimer un salut militaire et de démarrer, la laissant en plan devant les pompes à essence. Elle resta un long moment à regarder l’emplacement vaquant du pick-up. Qu’allait-elle faire maintenant ? Elle était à la frontière de l’état, sans moyen de transport et sans destination. Mais même ainsi, elle ne regrettait pas d’être partie. Elle posa son sac au sol et prit place dessus. Elle devait offrir un tableau pathétique, elle entendit la voix d’Eva commenter avec humour « cliché de la fille paumé numéro huit. » Eva. Elle aurait su quoi faire dans une situation comme celle-là. Cassie sortit son téléphone et composa le numéro de sa meilleure amie, mais la tonalité lui apprit que la ligne était occupée. Elles avaient du mal à se contacter depuis qu’Eva était passée sur le vieux continent. Elle s’apprêtait à recomposer le numéro quand un grand homme barbu approcha. - Hey, p’tite demoiselle, lança-t-il avec un accent trainant du sud. On est dans une station, on n’téléphone pas à moins de vouloir exploser. Cassie pensait pour sa part que cette histoire d’explosion relevait surtout de la légende urbaine. Jamais personne ne lui avait dit : « tu ne sais pas ce qui est arrivé la semaine dernière ? Le cousin Bill est mort dans une explosion de pompe à essence. » C’était du grand n’importe quoi. Mais elle se contenta d’offrir à l’homme un sourire contrit et de ranger son téléphone dans sa poche, elle appellerait Eva dès qu’il serait parti, il avait certainement traversé le pays juste pour la réprimander. Elle prit sa tête entre ses mains et frotta doucement ses yeux. Elle ne savait pas ce qu’elle allait faire, mais elle en était épuisée d’avance – sans parler de l’odeur d’essence qui lui promettait une migraine imminente. Quand elle releva la tête, elle vit un pick-up vert garé un peu plus loin et Kazey qui la fixait avec une mine indéchiffrable. - Amène-toi ! cria-t-il. - Je ne rentre pas chez moi ! répondit Cassie d’un ton qu’elle aurait voulu plus ferme et moins geignard. Le jeune homme hocha la tête en assentiment et lui fit à nouveau signe de le rejoindre. Elle récupéra son sac trop plein, qu’elle lança sur une épaule et se dirigea à pas lent vers le véhicule, tête basse. Elle jeta son sac sur le plateau et revint dans la cabine où ils restèrent tous deux silencieux pendant deux interminables minutes. Kazey la fixait sans s’en cacher et elle préférait éviter son regard. Elle savait ce qu’il pensait d’elle et peut-être avait-il un peu raison. Elle pouvait se montrer égoïste parfois en ne voyant que les conséquences qui la concernaient mais sans prendre en compte les retombées sur son entourage. Elle pensa un moment qu’elle aurait dû écrire une lettre un peu plus sympathique à ses parents par exemple, elle n’avait pas réfléchis à ce que sa fuite leur ferait, mais il était trop tard. Et ce n’était certainement pas le bon exemple, si elle tenait son égoïsme de quelqu’un, elle savait où chercher. - Où est-ce que tu voulais aller ? demanda finalement Kazey et sa voix était plus douce, résignée. - A Los Angeles, répondit-elle sans y réfléchir à deux fois. Une fois là-bas, elle rejoindrait Dan et elle irait mieux. Kazey hocha la tête et tapota le volant de ses doigts épais. - Pourquoi t’es partie de chez toi, Cassie ? Elle se força à le regarder, ses yeux étaient compatissants. Il connaissait déjà la raison qui l’avait poussée à prendre le large, mais il lui laissait une chance de lui en parler si elle le voulait. - J’aimerais mieux ne pas en parler pour l’instant. - Ok. Elle fut surprise que Kazey sache se montrer conciliant quand il le voulait. Il tourna la clé et l’engin démarra en rugissant. L’autoradio se mit en route sur une chanson de Shakira. - Tu la connais celle-là ? demanda Cassie d’une voix moqueuse qui n’échappa pas au conducteur. Il lui lança un regard de biais et quand il vit qu’elle souriait, il se mit à chanter. Cassie éclata de rire sous la surprise. Non seulement il connaissait, mais il acceptait apparemment l’autodérision. - Je ne savais pas que tu avais un sens de l’humour Lawson. - Je sais me marrer Malone, répondit-il avec un demi-sourire condescendant. C’est juste que, contrairement à tes copains, j’essaie de ne pas être un abruti. Elle fut certaine qu’il l’entendit lorsqu’elle répondit « ben, c’est loupé », mais il ne commenta pas. - Ouvre les m&m’s, tu veux ? dit-il en désignant le paquet jaune d’un geste de la tête. Cassie obtempéra et plaça les bonbons entre eux avant de perdre son regard par la fenêtre sur les maisons qui défilaient. |
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