Cette histoire est écrite dans le cadre du camp Nanowrimo, elle pourra donc être modifiée en cours de route. Chapitre 5 - On dort à la belle étoile cette nuit.
La voix de Kazey était trop basse pour la faire sursauter, mais elle la ramena dans le monde des vivants. Cassie ouvrit les yeux, bien qu’elle ne se souvienne pas les avoir fermés et lança un regard du côté de son compagnon de route dont les traits soulignés par les phares des voitures qu’ils croisaient, donnaient l’impression qu’il était épuisé. Sur une échelle allant de « pleine forme » à « zombie », elle l’aurait placé du côté des zombies sans la moindre hésitation. Il lui retourna son regard, mais reporta rapidement son attention sur la route en actionnant le clignotant droit. Il prit une sortie qui leur fit quitter la voie et s’arrêta devant une borne dont l’état prouvait qu’elle aurait grandement besoin d’être remplacée. Il ouvrit la fenêtre et appuya sur un bouton rouge d’où il récupéra un ticket. La barrière se souleva et le pick-up avança. - J’espère que les moustiques ne te font pas trop peur, la taquina Kazey. Elle ne prit pas la peine de lui répondre et regarda autour d’elle pour découvrir des emplacements de camping. Certains des campeurs s’étaient installés avec des tentes, d’autres avec des camping-cars. Un peu plus loin, plusieurs familles semblaient s’être réunies autour d’un feu de camp. Cassie en ressentit un pincement au cœur. Voilà ce que devaient être les vacances d’été, ce qu’elles auraient pu être si sa famille ne se déchirait pas. Kazey roula un peu plus loin, puis s’arrêta lorsqu’il furent en marge des autres, mais pas assez loin pour être coupés du monde. Cassie apprécia, elle ne tenait pas à partager la soirée de ces gens, mais elle ne se serait pas sentie en sécurité s’ils s’étaient trop éloignés. Kazey mit le frein à main et sauta hors du truck sans dire un mot. Cassie trouva le silence étrange après avoir été bercée par le moteur pendant si longtemps. Elle sortit son téléphone de sa poche pour vérifier l’heure, mais tout ce qu’elle vit furent les sept appels manqués de ses parents et plusieurs messages en attente. Elle fixa l’écran un long moment, mais finit par remettre l’appareil où elle l’avait pris sans les consulter. Elle se secoua un peu pour se débarrasser de sa tristesse soudaine et décida qu’il valait mieux rejoindre Kazey pour se changer les idées. Lorsqu’elle sortit à son tour de la cabine, le jeune homme sortait un sac du plateau. - Tu tombes bien, lança-t-il alors qu’elle approchait. Je me demandais si tu avais prévu de prendre un sac de couchage ou une couverture avec toi quand tu as décidé de filer. Cassie eut un peu honte de l’avouer, mais une chose aussi triviale ne lui était même pas venue à l’esprit. Elle secoua la tête pour signifier que non et Kazey soupira quelque chose qui ressemblait à « sais même pas pourquoi je demande ». Il se pencha et récupéra un sac de couchage bleu roulé qu’il lui lança. Cassie l’attrapa par réflexe et le regarda comme si elle ne savait pas quoi faire avec. Puis elle leva des yeux interrogateurs vers Kazey qui s’était remis à fouiller. - Tu en as deux ? demanda-t-elle. - Non. Prends la cabine si tu as peur des petites bêtes, je vais dormir ici. Il entreprit alors d’arranger les sacs pour se faire une place aussi confortable que possible pour dormir sur le plateau. Il repoussa certains des sacs contre la vitre qui le reliait à la cabine et mit les autres d’un côté. De l’un d’eux, il sortit une épaisse chemise à carreaux grise et rouge que Cassie trouva affreuse, mais qui semblait tenir chaud. Il la passa et resserra les pans autour de lui. Pendant tout ce temps, la jeune fille n’avait pas bougé, fixant avec fascination ses moindres gestes. Lorsqu’il la remarqua, toujours à la même place avec son sac de couchage dans les mains, il s’arrêta et la fixa à son tour. - Quoi ? demanda-t-il finalement. Ne me dis pas que tu ne sais pas dérouler un sac de couchage, tu enlèves juste le scratch et… - Non, le coupa Cassie. Ce n’est pas… Je sais très bien dérouler un sac de couchage. - Alors quoi ? Il semblait presque exaspéré. Cassie ne savait pas non plus pourquoi elle restait là plutôt que de s’installer dans la cabine. En réalité, si elle était honnête avec elle-même, elle devrait reconnaitre qu’elle était surprise et un peu émue du geste de Kazey. Il n’hésitait pas à lui donner son sac de couchage, alors qu’il devrait se contenter de son affreuse chemise pour se tenir chaud. Et cela, alors qu’elle s’était déjà invitée dans son voyage sans lui demander son avis et sans le prévenir. Mais elle ne pouvait pas lui dire ça. - Merci, se contenta-t-elle de répondre en désignant le sac. Bonne nuit. - Bonne nuit, Cassie. Elle tourna les talons et rouvrit la portière, elle déroula le couchage sur les sièges mais quand elle fut dans la cabine, elle regarda par la vitre arrière pour voir Kazey allongé, emmitouflé dans sa chemise. Il envoyait un message à dieu sait qui. Cassie se glissa dans le sac, mais resta un long moment les yeux ouverts fixés au plafond. Plus elle pensait au geste de Kazey, plus elle se disait qu’elle ne devrait pas en être surprise. Il se croyait peut-être mieux que tout le monde, mais dans le fond, c’était un saint Bernard. Il avait sûrement vu trop de films de superhéros quand il était enfant et avait adopté la politique de défendre la veuve et l’orphelin. Ou peut-être suivait-il simplement le chemin tracé par son père. Le shérif Lawson était un homme que tout le monde aimait. On ne pouvait pas faire autrement, il était bienveillant et brave. C’était un pilier de la communauté de Resington. Cassie sourit en se souvenant des fois où le père et le fils partaient pour leur jogging, à peine sortaient-ils de chez eux que toutes les voisines se mettaient à se recoiffer et à lisser leurs vêtements. Mais pour la première fois, elle se demandait si elles le faisaient pour le shérif ou pour Kazey. Ça ne lui était jamais venu à l’idée. D’ailleurs avant l’autre jour, elle n’avait même pas vu à quel point il avait changé. Elle secoua la tête. Elle devait vraiment être fatiguée pour perdre autant de temps à réfléchir à cela, ou à quoi que ce soit qui ait un rapport avec l’Emm… lui. Elle n’arrivait pas à penser l’Emmerdeur, alors qu’il passait la nuit dehors sans couverture pour lui épargner de le faire elle-même. Elle ferma les yeux et tenta de compter ses respirations pour s’endormir, mais à peine commençait-elle à sombrer qu’une sonnerie la fit sursauter. - Allo ? répondit la voix presque endormie du jeune homme à l’extérieur. Son interlocuteur répondit, mais Cassie n’entendit rien, pas même un bourdonnement. - Non, tu me déranges pas. Tu sors du boulot ? Cassie supposa qu’il s’agissait de son père. Elle roula des yeux. Ils étaient encore plus co-dépendants que ce qu’elle pensait. - Mhm, tout va bien. Je me suis posé pour la nuit. Ah ouais ? Mhm. A sa voix, Kazey semblait sur le point de s’endormir. - Sûr, je t’appelle demain. N’oublie pas que tu as rendez-vous avec le docteur Mitchell. Non, P’pa à dix-sept heures. La conversation continuait entre le père et le fils, mais Cassie n’écoutait plus vraiment. Elle n’était plus sûre de savoir comment respirer. Le docteur Mitchell était un cancérologue installé en ville. Lorsqu’elle était petite, sa grand-mère la gardait tous les soirs après l’école et Cassie se souvenait l’avoir accompagnée plusieurs fois dans au cabinet de ce docteur. Elle restait dans la salle d’attente et lisait les magazines de mode pour faire comme les grandes, pendant que sa grand-mère se rendait à sa consultation. C’était pour ça. Pas seulement parce que le métier du shérif était dangereux, mais parce qu’il avait un problème de santé. C’était la raison pour laquelle Kazey et son père passaient autant de temps que possible ensemble. Parce qu’ils pouvaient se perdre n’importe quand et qu’ils étaient tout ce qu’il restait à l’autre. Cassie serra ses lèvres tremblantes pour ne pas se mettre à pleurer. Pourquoi est-ce qu’elle s’était permis de juger au juste ? Elle pensait que Kazey jugeait les autres quand ils faisaient des choses stupides, mais les autres eux se permettaient de le juger alors qu’il voulait seulement s’accrocher au dernier parent qu’il lui restait. Elle aurait voulu s’excuser, mais il ne saurait certainement pas de quoi elle parlait. Les racontars étaient trop bas pour atteindre Kazey, il les prenait de haut, comme leurs conneries. Elle était d’ailleurs certaine qu’il l’enverrait sur les roses si elle tentait de le faire. - Ça va, Cassie ? Elle ne se rendit compte qu’alors que les larmes et quelques sanglots lui échappaient malgré sa volonté de les retenir. Elle ne trouva pas la voix pour répondre et Kazey sonna un peu plus inquiet. - Est-ce que tout va bien ? Tu veux que je vienne. - Non, souffla-t-elle malgré sa gorge nouée. Ça va passer. Bonne nuit, Kazey. - Ok, répondit-il avec réticence. ‘Nuit Cassandra. Cassandra. Elle avait horreur que les gens l’appellent comme ça. Seule sa mère le faisait à l’occasion et Eva quand elle était en pétard. Mais à ce moment, entourée de la nuit, bien au chaud dans le sac de couchage de Kazey, avec sa voix presque sourde. Ça ne lui faisait pas penser à sa mère, ni au ton moqueur d’Eva. C’était dit avec douceur, comme s’il s’agissait-là d’un surnom qu’on adopte avec affection. C’était presque intime et Cassie ne savait pas quoi faire de cela. Elle se tourna sur le côté et réfugia son visage contre le siège. Ses pleurs séchèrent rapidement et elle reprit le décompte de ses respirations jusqu’à se sentir flotter doucement avec l’arrivée du sommeil, puis elle sombra tout à coup.
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