Chapitre 8 Ils s’arrêtèrent dans un motel ce soir-là. L’endroit était un peu miteux et le papier peint orné de grosses fleurs orange et jaunes semblait dater des années soixante-dix, mais comparé au camping et aux douches de l’enfer, c’était le grand luxe.
Ils déposèrent chacun leurs affaires sur l’un des deux lits simples. Kazey se laissa lourdement tomber sur le couvre lit en soupirant. Ses longues jambes s’étirèrent et il les posa sur ses affaires sans s’en préoccuper. - Je crois que je pourrais dormir pendant des jours, grogna-t-il en mettant ses mains derrière sa tête. Cassie sourit pour elle-même en le voyant faire. Il paraissait plus détendu qu’il ne l’avait été ces deux derniers jours et elle avait envie qu’il le reste. Elle vida ses poches avant de s’emparer de son sac de sport. - Je prends la salle de bain, lança-t-elle en se dirigeant vers la porte d’un verdâtre affreux. - Je ne suis pas en état de t’en empêcher, marmonna Kazey qui ne semblait pas vouloir bouger le moindre muscle. Lorsqu’elle sortit de la salle de bain, une demi-heure plus tard, elle dut le secouer pour lui dire que la place était libre. Il était assoupi, tout habillé, ses jambes balancées sur son sac. Elle resta un moment à le regarder, ses traits détendus, il semblait être quelqu’un d’autre. Elle ne s’était jamais rendu compte qu’il était toujours rigide d’ordinaire. Il lui avait fallu le voir endormi pour faire la différence. Elle saisit son épaule et le secoua pour le réveiller. Il ne sursauta pas, comme elle s’y était attendue. Ses yeux s’ouvrirent au ralenti et se fixèrent sur elle. Il lui sourit. Un étirement lent de ses lèvres. Un sourire doux et sincère, comme s’il avait douté qu’elle soit là au réveil, mais qu’il était heureux de s’être trompé, et Cassie eut soudain l’impression qu’un oiseau battait des ailes au creux de son estomac, cherchant à s’échapper. Cependant, il sembla reprendre soudain conscience et son sourire diminua alors que ses idées s’éclaircissaient. Il se racla la gorge avant de demander : « qu’est-ce qui se passe ? » - Euh, la salle de bain est libre, l’informa-t-elle. - Oh, merci. Cassie hocha la tête et se dirigea vers son lit, laissant Kazey étirer ses longs membres avant de se lever. Elle récupéra son chargeur dans son sac et le brancha sur la prise à côté de son lit, elle y relia son téléphone et le posa sur la table de chevet. Lorsqu’il s’illumina, elle vit l’icône des messages qui clignotaient toujours et se demanda combien de temps elle pouvait éviter de les écouter. Le nœud dans son estomac à chaque fois qu’ils se rappelaient à elle ne faisait qu’empirer. Mieux valait qu’elle se jette à l’eau. Elle se sentirait mieux après. Elle souleva les couvertures et s’installa. C’était étrangement confortable. A l’aspect, elle s’attendait à ce que le matelas soit aussi dur qu’une planche à repasser, mais ce n’était pas le cas. Une fois bien installée, elle récupéra son téléphone et se décida à affronter sa boite vocale. Elle n’avait jamais eu aussi peur d’entendre un message avant. Le premier message était daté du mardi, quelques heures après leur départ. La voix de sa mère était aussi dure que de l’acier, comme si elle en avait juste assez des débordements d’une enfant à problème – ce que Cassie n’avait jamais été. « Cassie, c’est moi. S’il s’agit d’une de tes blagues, je ne trouve pas ça drôle du tout. Tu vas rentrer immédiatement et nous allons discuter de ton comportement. J’ai appelé ton père, il rentre immédiatement. Je t’attends et je te conseille de ne pas tarder. » Cassie eut un reniflement amusé. Si sa mère croyait que ça la persuaderait de rentrer, alors elle ne la connaissait vraiment pas. Le second message était également de sa mère, composé du même ton réprobateur et légèrement énervé, mais cette fois, Cassie crut entendre une faille dans sa voix. Il avait été laissé une heure après le premier. « Ne pas répondre au téléphone ne fait rien pour arranger ton cas, Cassandra! » Ah, on passe à Cassandra, c’est que ça devient tendu, railla la jeune fille pour elle-même. « Ton père et moi t’attendons. Je te donne vingt minutes pour arriver. » Les ultimatums n’étaient vraiment pas la bonne façon de s’adresser à elle et entendre sa mère en lancer à tout va, à travers le téléphone, ne l’aurait pas persuadée de rentrer, même si elle s’était juste cachée dans la cabane de jardin. Le message suivant était déjà plus désespéré. Au fur et à mesure la voix de sa mère se mettait à cajoler plutôt qu’à ordonner et Cassie se sentait de plus en plus mal. Mais elle n’oubliait pas les cris et le refus de même écouter ce qu’elle avait à dire. Tant mieux au fond si ça servait d’électrochoc à ses parents. « Dis-moi juste que tu vas bien. » C’était le dernier message de sa mère. Il en restait encore un, mais celui-là venait de son père. « Appelle ta mère ou je fais lancer les recherches. » Elle avait déjà entendu son père être ferme et décidé, en particulier quand il parlait à un de ses associés. Elle savait que c’était cette voix-là qu’il utilisait. Mais ça lui paraissait faux, comme s’il essayait de jouer son rôle sans y arriver. Elle soupira profondément en coupant la messagerie. Elle resta un long moment à regarder l’écran avant de se décider à appeler chez elle. Sa mère décrocha rapidement et Cassie sentit l’angoisse sous laquelle elle avait étouffé avant de décider de partir la gagner à nouveau. - Je vais bien, dit-elle en guise de bonjour. - Cassie ? sa mère paraissait soulagée. Où est-ce que tu es ? Rentre à la maison. Cassie entendit du bruit, alors que le téléphone changeait de main. Son père, lui, paraissait furieux. - Cassie, rentre immédiatement ! A quoi est-ce que tu pensais, bon sang ? Tu te rends compte de ce par quoi tu nous fais passer… - Et toi ? Tu sais par quoi vous m’avez fait passer ? rétorqua-t-elle sans remords. - Tu n’es qu’une gamine… - Arrête ! C’était la voix de sa mère. Le son s’éloigna un peu du téléphone, mais elle comprit que ses parents tentaient une approche différente et qu’ils n’étaient pas d’accord avec la méthode de l’autre. Ils se mirent à se disputer à voix basse et ce fut assez pour qu’elle décide de leur raccrocher au nez. Ça ne leur avait servi à rien. Ils avaient juste trouvé un nouveau sujet de dispute, voilà tout. Elle ne comptait pas rentrer avant qu’ils aient décidé d’agir comme des adultes et de parler pour résoudre leurs problèmes. Le téléphone sonna immédiatement dans sa main, mais elle préféra l’éteindre, puis elle enfonça sa tête dans l’oreiller. Elle n’entendit pas la porte de la salle de bain s’ouvrir dans son dos. Elle ne se rendit compte qu’elle pleurait que lorsqu’une large main se posa sur ses cheveux. Elle eut un sursaut, mais la caresse l’apaisa immédiatement, accompagnée de la voix de Kazey qui se résumait à un murmure : - Tout va bien, Cassie. Tout va bien. - Non, ça ne va pas, sanglota-t-elle. Le jeune homme soupira et le lit pencha alors qu’il s’asseyait à ses côtés. Cassie se releva sans plus y réfléchir pour se réfugier dans ses bras. Elle se sentait en sécurité près de lui. Peut-être parce qu’elle le connaissait depuis toujours, ils avaient grandis l’un à côté de l’autre et avaient même été amis il y a très longtemps de ça. - Je sais, souffla-t-il. Mais ça va aller. Il semblait le penser et Cassie eut envie de le croire. Il passa à nouveau une main réconfortante sur ses cheveux. La jeune fille répondit en logeant son visage dans son épaule et ils restèrent silencieux pendant un long moment. - Tu te souviens, dit-elle d’une voix enrouée. Quand on était gosse et qu’on ne voulait pas se lâcher. - Ouais… Cassie entendait un sourire dans sa voix, mais elle était trop confortablement installée pour avoir envie de bouger afin de vérifier. Elle passa ses bras autour de la taille de Kazey et soupira. - C’était tellement simple à l’époque. Je ne sais pas comment on a pu en arriver là. - On a grandi. On était toujours ensemble parce que ta grand-mère adorait ma mère, mais on les a perdues toutes les deux et il est peut-être devenu trop difficile d’être proche. Ça faisait remonter trop de souvenirs. Cassie acquiesça doucement. - Tu m’as manqué, murmura-t-elle et elle ne se rendit compte qu’en le disant qu’elle le pensait réellement. - Toi aussi. Sauf pour les fois où tu me faisais boire tes concoctions bizarres. La jeune fille se trouva à rire doucement. - Je voulais faire des cocktails ! Mais je t’avoue que je prenais à peu près tout ce qui me tombait sous la main. - Incluant le produit de vaisselle ? Cassie pouffa et fit mine de lui frapper le biceps. - Je pensais que tu avais oublié, avoua-t-elle après un moment. Etre serrée contre lui, dans la chambre mal éclairée avec la pluie qui tombait au dehors et frappait les fenêtres était incroyablement confortable. Le temps semblait avoir ralenti autour d’eux, comme s’il ne voulait pas brusquer la douceur de cet instant. - Comment veux-tu que j’oublie mon premier baiser, plaisanta-t-il. Cassie bougea à cela pour le dévisager et il sourit en comprenant qu’elle ne s’en souvenait pas. La main qui était toujours sur ses cheveux la poussa à reprendre sa place sur son épaule avant qu’il n’explique avec une voix amusée : - On devait avoir sept ou huit ans, il y avait une autre gamine dans le quartier qui était là pour les vacances et elle me suivait partout. Je pense que ça t’as rendue jalouse, parce que tout à coup, tu l’as poussée et tu t’es tournée vers moi. Tu m’as collé un énorme baiser sur les lèvres avant de décréter qu’on allait se marier quand on serait grand. Les épaules de Cassie tremblèrent alors qu’elle riait doucement. - Et qu’est-ce que tu as fait ? - Moi ? J’étais d’accord. Je pensais que tu étais une princesse sortie tout droit d’un Disney avec ta longue tresse blonde. - Ah oui ? - Mhm. Ils rirent tous les deux et Cassie resta là. Ses soucis à des années lumières de son esprit. Elle se sentait bien. Le silence s’installa et s’étira sans qu’aucun d’eux ne ressente le besoin de le briser.
2 Commentaires
elodie
8/11/2015 09:24:57 am
Oh ba mince cela s'arrête là? snif
Réponse
Ven
8/15/2015 08:41:57 am
Oui, c'est le dernier publié, j'avais laissé cette histoire de côté l'année dernière après avoir repris le boulot.
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