2 - La soirée Le costume que m’a choisi Adriana est un Dior gris anthracite avec une cravate, une ceinture et des chaussures noires. J’ai du mal à croire que c’est moi en me regardant dans le miroir. On dirait qu’il a été fait sur mesure. Il me met en valeur d’une manière presque indécente.
Je descends les escaliers pour aller rejoindre Jesse, mais je m’arrête avant d’atteindre la dernière marche. Mon colocataire est occupé à fixer sa propre cravate – sans grand succès – devant le miroir de l’entrée. Son costume est à l’opposé du mien. Il est noir et ses accessoires sont gris avec un liseré argenté. Il est méconnaissable. Ses cheveux lissés et placés derrières ses oreilles, mais quelques mèches reviennent s’accrocher à son visage et lui donnent un air un peu rebelle malgré le costume. Il semble sortir d’un magazine de mode. Je doute un instant que ce soit lui. Mais quand il me repère dans le miroir, il se retourne en sifflant et m’accorde un sourire idiot. - Ouah, t’as la classe, Connard ! Oublions ce que j’ai dit. C’est bien lui, pas de doute. Je le rejoins pour l’aider à se dépatouiller de sa cravate, il n’en a clairement pas l’habitude. Quand c’est fait on se tourne tous les deux vers le miroir et j’avoue qu’il n’est pas le seul à avoir l’air d’un mannequin. On fixe notre reflet bien trop longtemps. - Comment tu as eu le costume ? demandé-je finalement. - Je l’ai demandé gentiment. Il me sourit de toutes ses dents et je secoue la tête. *** La remise du prix d’architecture a lieu au Ritz-Carlton. Un des plus beaux hôtels de Phily au look de Parthénon. On entre dans le hall et les têtes se tournent sur notre passage. Je regarde le phénomène avec un mélange de fascination et de malaise. Quand je jette un œil à Jesse, je le vois qui sourit à tout le monde avec un air prédateur. Je lui balance un coup de coude dans les côtes. - Ah ! Quoi ? - Arrête ! - Pourquoi ? Pas de ma faute s’ils bavent tous sur nous. Ce n’est même pas la peine de parler avec lui. - Fais-nous entrer, grogné-je. - Ok, suis mon exemple. On avance jusqu’à l’accueil, derrière lequel une hôtesse hautaine, engoncée dans un tailleur formel, est concentrée sur un pc. Jesse s’accoude au comptoir et me lance un regard pour que je l’imite. Je m’exécute et souris comme il le fait. - Excusez-moi, ronronne-t-il. L’hôtesse relève immédiatement la tête et son regard passe de Jesse à moi, comme si elle ne savait pas sur lequel de nous deux s’arrêter. Ses pupilles sont dilatées et le rouge lui monte furieusement aux joues. Jesse me lance un regard et je l’entends presque mentalement me lancer : « superpouvoir ! ». Je comprends un peu mieux maintenant. Mon sourire s’élargit alors que je donne un nom au hasard pour que la fille vérifie sa liste. Elle a l’air déçue et désolée quand elle relève les yeux pour nous informer que nous ne sommes pas prévus. - C’est sûrement une erreur, suggère Jesse sans perdre son sourire. Elle semble douter un moment, mais je prends sa main au-dessus du comptoir. - Oui, assurément une erreur, soufflé-je en tentant de paraitre charmant. Son regard se fixe sur moi et se fait vague, comme si elle ne se souvenait même pas de ce dont on parlait. Elle a l’air de ne pas s’en soucier, tant qu’elle peut me regarder. Je me demande si elle respire encore. Je jette un regard à Jesse, mais il hausse les épaules. - N’est-ce pas ? demandé-je pour la relancer. - Bien sûr ! s’exclame-t-elle. Evidemment. Bienvenue messieurs. On lui sourit, mais ça semble être trop pour elle, alors je pousse Jesse à avancer avant qu’elle ne fasse un arrêt cardiaque. - Merci, beauté ! lui lance Jesse par-dessus son épaule. La fille lâche un hoquet et je ne peux pas m’empêcher de rire un peu. - Arrête tes conneries, soufflé-je à Jesse. Il me retourne un regard amusé qui dit clairement : « je ne regrette rien. » On s’arrête devant les grandes portes blanches de la salle de réception et je prends une profonde inspiration en réajustant ma veste de costume. Jesse attend patiemment que je me reprenne en main. Je hoche la tête et on pousse les portes. Le moins qu’on puisse dire, c’est qu’on ne passe pas inaperçus. Je décide de ne prêter attention à personne en attendant qu’on ait trouvé un endroit d’où on pourra mettre un plan en action. Je marche tête haute vers un endroit isolé. Du coin de l’œil, je vois Jesse imiter ma posture. - Pas mal l’air mystérieux, souffle-t-il. Mais je crois pas que ça détourne l’attention. Tu le sens toi aussi ? Le pire, c’est que je n’ai pas à lui demander de quoi il parle. Parce que la réponse est oui, je le ressens. Le désir. L’envie qu’on éveille dans la foule et qui m’arrive par vague, je me sens électrisé. Plein d’une puissance que je ne connais pas. C’est de ça qu’il me parlait. Maintenant, je vois ce qu’il voulait dire. - Et merde, souffle Jesse. - Quoi ? - L’électricité. Je suis excité, si je ne baise pas bientôt, je te jure que je te plaque au mur et que je me fais les dents sur toi. - Calme-toi, Adriana nous a dit que ce serait intense les premiers jours, essaie de les bloquer. Il hoche la tête et respire doucement. Ce que la démone a dit exactement c’est : « ça va être plutôt hardcore, mes petits lapins, vous risquez de ne pas débander pendant quelques jours. Amusez-vous bien, j’ai des choses à voir et des gens à me faire. » On s’arrête finalement dans un coin de la salle, qui nous donne un bon angle d’observation. - Ça va ? demandé-je à mon colocataire. - Ouais, répond-t-il même s’il parait tendu. Trouve ton ex qu’on en finisse. Je jette un œil à la salle et je la repère qui valse. Elle porte une longue robe rose pastel et ses cheveux châtains tombent en vagues étudiées. Elle parait aller parfaitement bien, même si je suis mort il y a deux jours à peine. Et toute l’électricité de la salle n’est rien en comparaison de la rage que j’éprouve en remarquant qu’en plus, son cavalier n’est autre que son « collègue » Bruno avec qui je la soupçonnais de me tromper. - C’est elle ? me demande Jesse en suivant mon regard. - Ouais. - Pas terrible, mais bon. Allez, à l’attaque ! Sur ce, Jesse me pousse vers la piste de danse et lève un pouce pour m’encourager quand je tourne la tête pour le fusiller du regard.
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