Prologue - Le contrat C’est con de mourir comme ça. Non, vraiment. Je sortais juste pour prendre l’air et calmer mes nerfs. Je voulais simplement oublier que la femme que j’aimais venait de rompre avec moi. Et je suis mort. Je pleurais quand c’est arrivé d’ailleurs. Ouais, je suis mort comme un con qui pleure.
D’abord, je n’ai pas compris ce qui se passait. J’ai entendu le bruit de freins qui crissent sur le pavement. Je me suis dit que la pluie y était pour quelque chose, mais je ne me suis pas inquiété. J’étais trempé, dévasté, le cœur brisé. Et puis, j’étais sur le trottoir, en toute logique, je ne risquais rien. Sauf qu’au moment où Sienna m’envoyait chier à coup de « tu es trop sérieux et ce n’est pas la direction que je veux pour ma vie… », à l’autre bout de la ville, un mec en était à son septième verre et se disait qu’il était temps de rentrer. Bien sûr, pas plus que moi, il ne se doutait que nos vies allaient entrer en collision. Littéralement. C’est comme ça que je suis mort, et lui aussi. Pas en me percutant, c’est le poteau qui l’a achevé. Et on s’est retrouvés là, deux esprits complètement perdus à regarder nos corps sans vies. Je l’aurais bien tué le chauffard, mais il était déjà mort alors je me suis dit que ça ferait doublon. Mais le truc, quand on meurt avec un désespoir aussi frais que le mien, c’est que ça attire les démons. Elle est arrivée dans toute sa splendeur démoniaque, des cheveux noirs d’encre qui tombaient raides et épais jusqu’au bas de son dos, des yeux rouges rubis, bordés de cils épais, des lèvres pleines gainées de rouge et sublimées par une moue aguicheuse. Un long corps aux mouvements félins moulé dans une robe noire qui lui allait à merveille, des jambes interminables desquelles je ne pouvais pas détacher les yeux. Elle dégageait une aura purement sexuelle et je crois que même le chauffard se serait mis à genoux si cette démone le lui avait demandé. Moi, je n’étais pas mieux, c’était plus fort que moi, j’avais envie de toucher, de goûter sa perfection. Elle était comme une flamme qui hypnotise au point qu’on veuille y plonger, tout en sachant que ça ne peut rien apporter de bon. Elle s’est arrêtée devant nous et nous a fixés un long moment avec un demi-sourire qui laissait croire qu’elle connaissait parfaitement l’effet qu’elle avait sur nous. J’avais chaud, terriblement chaud. Au point de penser que j’allais brûler si je ne pouvais pas la toucher. Elle a pris la parole et ça a été pire, parce que peu importe ce que sa voix disait, ça donnait l’impression d’insanités soufflées à l’oreille du genre qui fait trembler de désir aux heures les plus secrètes de la nuit. Ce qu’elle nous a dit, c’était son nom : Adriana. Et je m’imaginais déjà le gémir. Ce n’est pas arrivé, bien sûr. Adriana n’était pas là pour jouer, elle venait pour affaire. Pour passer un contrat. Pour m’offrir tout ce que je n’avais pas eu dans ma vie : la beauté, l’aisance, le pouvoir. Soyons clair, je n’étais pas moche quand j’étais humain, mais j’étais plutôt banal. Là, elle me proposait la Beauté avec un grand B, du genre dont les femmes rêvent la nuit et qui les font se réveiller agitées, trempées et encore rêveuses. Et au chauffard – Jesse, comme j’allais l’apprendre plus tard – elle lui offrait le même deal. Évidemment, il y avait un prix à payer. Le prix étant qu’on liait nos âmes à elle. En échange de tout ça, on acceptait de devenir des émissaires de la corruption. C’est comme ça que je suis devenu un Incube et je me suis retrouvé coincé avec Jesse, le mec qui m’avait tué devenu Incube lui aussi. Collègues de boulot à Philadelphie. Et notre premier job était d’aller pomper un peu d’essence vitale à une personne qu’on a aimé. Le seul moyen pour finaliser le deal. Adriana nous a séparés et quand on s’est retrouvés, je n’ai pas reconnu Jesse. Il n’avait plus rien du campagnard mal bouché qu’il avait été. Il avait un physique de dieux grec et une voix grave, profonde, un timbre de velours dans lequel on avait envie de se rouler. J’ai secoué la tête pour faire passer l’image. - Bienvenue chez vous, nous dit Adriana en désignant l’appartement du centre de Philadelphie. C’était gigantesque et lumineux. Des espaces ouverts, des meubles métalliques et bois usés, comme s’ils venaient d’un entrepôt, mais le tout très design. J’ai aimé tout de suite, en particulier les canapés en cuir. Le seul problème était de m’installer avec celui qui m’avait tué, mais comme l’a dit Adriana. - Tu vas pas rester focalisé là-dessus mon choux, on fait tous des erreurs dans la vie. Un chauffard qui m’a tué, devenu Incube et une démone arrogante obsédée par les âmes qui utilise des surnoms ridicules, voilà qui sont les enfoirés devenus mes meilleurs amis. Et les personnes les plus importantes de ma vie. Du moins, ils le sont maintenant, mais lors de ma première mission… tout n’était pas si simple.
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