Cette histoire est écrite dans le cadre du camp Nanowrimo, elle pourra donc être modifiée en cours de route. Chapitre 4 Cassie révisa peu à peu son avis sur le confort du plateau. Ses jambes étaient pliées à un angle qui n’était confortable que les trois premières minutes et elle aurait voulu pouvoir glisser une couverture sous elle pour que sa peau ne soit pas en contact direct avec le métal ondulé, mais cela aurait voulu dire fouiller dans les affaires de Kazey, donc bouger et prendre le risque d’être repérée ; elle ne pouvait pas se le permettre.
Dans la cabine, le jeune homme ne fredonnait plus, il conduisait dans un silence paisible. Cassie entendait toujours vaguement l’autoradio - dont elle était presque sûre qu’elle passait une chanson de Katy Perry - mais il en avait clairement baissé le son. Il conduisait depuis plusieurs heures déjà lorsqu’il s’arrêta dans une station-service. Cassie fut tirée d’un léger état de somnolence par l’arrêt du pick-up. Elle grogna contre l’interruption avant de se rappeler de l’endroit où elle se trouvait et de plaquer une main sur sa bouche. Par chance, Kazey s’éloignait déjà et ne l’avait pas entendue. Elle tendit l’oreille et écouta patiemment, jusqu’à ce que les bruits de botte du jeune homme se soient dissipés, puis elle repoussa les sacs qui pesaient sur ses jambes et les étira du mieux qu’elle le pouvait dans l’espace réduit. Elle sortit son téléphone de sa poche et constata qu’ils étaient partis depuis presque quatre heures. Elle avait l’impression d’y avoir passé des jours, sans doute à cause de son assoupissement. Maintenant qu’elle était installée un peu plus confortablement, elle sentit des fourmillements parcourir ses membres alors que le flux de sang revenait douloureusement dans les muscles. Elle soupira et se rallongea en se demandant vaguement si ses parents s’étaient aperçus de son absence, avant d’en venir à la conclusion que ça n’avait aucune importance. La question qui avait sa raison d’être ici était de savoir si oui ou non, elle avait le temps d’abandonner sa place pour se rendre aux toilettes de la station et de revenir avant que Kazey ne soit de retour. Elle en doutait. Elle plongea la main dans son sac et en sortit une barre de chocolat qu’elle grignota pour se réconforter. Elle chiffonna l’emballage et le jeta par-dessus le rebord du plateau avant de replacer les sacs sur ses jambes qu’elle se vit forcée de replier malgré les protestations de ses membres qui se réveillaient à peine. Kazey revint quelques minutes plus tard – le bruit des bottes indiquait sa progression à Cassie – mais il ne monta pas directement dans la cabine pour se remettre en marche comme elle s’y attendait. Non, au lieu de cela, il s’arrêta à côté du pick-up, comme si quelque chose venait de capter son attention. Cassie sentit son cœur s’accélérer alors qu’elle faisait son possible pour ne pas laisser échapper un seul son. Même sa respiration lui semblait assourdissante tout à coup. Elle chercha ce qui avait pu faire tiquer le bizarromètre de Kazey et devina qu’il venait de remarquer le papier d’emballage de sa barre chocolatée. Bon sang, il allait faire un bon flic avec un flair pareil. Le silence s’étira pendant un long moment et la jeune fille commençait à penser qu’il était simplement reparti dans la station sans qu’elle l’entende, mais tout à coup, un poing s’abattit sur le métal du plateau et Cassie fut si surprise qu’elle sursauta en poussant un petit cri dont elle ne fut pas fière. Maintenant relevée, elle avait une parfaite vue sur le visage de Kazey qui semblait ne pas parvenir à se décider entre la colère et la surprise. Il tenait une bouteille dans une main et un sachet de m&m’s cacahuète dans l’autre, mais il semblait prêt à tout lâcher pour pouvoir l’étrangler. Cassie ne savait pas si elle devait s’expliquer ou si ça ne ferait que le faire enrager davantage. Dans le doute, elle releva une main hésitante et lui fit un petit salut avec un sourire d’excuse. Ça sembla sortir Kazey de sa torpeur. - Mais qu’est-ce que tu fous là ? grogna-t-il. - Je, euh… Cassie ne savait pas vraiment comment continuer cette phrase, elle était pourtant sûre d’avoir une excellente raison de se trouver ici, tout lui avait paru censé quand elle s’était faufilée depuis chez elle jusqu’à l’arrière du pick-up. Mais à présent, elle ne trouvait plus d’excuses valables pour avoir embarqué clandestinement. Voyant qu’elle n’allait pas continuer, Kazey soupira et ouvrit la cabine où il balança ses achats avant de claquer la portière avec plus de force que nécessaire. Il revint ensuite à l’arrière où il ouvrit l’aileron qui fermait le plateau. Il fit un mouvement de la main pour pousser Cassie à descendre, mais elle resta où elle était. Elle n’aimait pas voir le visage crispé par la frustration du jeune homme qui était habituellement impassible. Ses poings étaient serrés contre son jeans délavé et elle était quasiment sûre que ses épaules étaient plus rigides que d’ordinaire. - Sors de là ! grogna-t-il, plus exaspéré encore. Grouille-toi ! Cassie finit par obtempérer à contrecœur, malgré les jambes endormies et le mal de dos, elle se dit qu’elle n’était pas si mal en compagnie des bagages. Elle se fraya néanmoins un chemin en repoussant les sacs et posa les pieds au sol, mais ses jambes ne la soutinrent pas, trop endormies encore pour la maintenir à la verticale. Elle bascula en avant et se retint au torse qui lui faisait face. Quand elle releva les yeux vers le regard noisette qui semblait vouloir la faire se consumer par la simple force de sa volonté, elle préféra prendre appui sur le véhicule. - Qu’est-ce que tu foutais à l’arrière ? demanda-t-il à nouveau. T’as une explication ou c’est encore un de ces trucs débiles que tu fais parce que tu en as envie, sans te soucier des conséquences. Elle préféra ne pas répondre parce que tout ce qu’elle avait sur le bout de la langue à cet instant était un chapelet d’injures colorées dont elle aurait adoré gratifié cet emmerdeur. Ils restèrent à se fixer encore une bonne minute avant que Kazey ne se saisisse de son coude et ne l’escorte jusqu’au siège passager. Elle monta dans la cabine sans faire de difficulté et délogea les m&m’s et la bouteille qu’elle mit à ses pieds, elle ne tenait pas à faire enrager son voisin davantage. Si elle faisait profil bas, il finirait bien par se calmer, et à ce moment-là, ils pourraient avoir une conversation civilisée. Il fit le tour du capot et vint prendre place derrière le volant sur lequel il cala ses coudes avant de passer ses larges mains sur son visage, puis de les perdre dans ses cheveux bruns toujours aussi anarchistes. - Tu te rends compte que j’aurais pu être arrêté avec tes conneries ! commença-t-il avant de s’énerver pour de bon, sa voix se faisant plus sèche avec chaque mot. J’entre à l’école de police le mois prochain, je ne peux pas me permettre de me faire arrêter pour une de tes lubies, Cassie. Il t’arrive de réfléchir aux répercutions de tes actes, sur toi et sur les autres ? Non, bien sûr que non ! Tu t’es juste dit : « Tiens, je m’ennuie un peu si j’allais faire chier Kazey ! » Elle savait qu’il n’avait pas une grande estime pour elle, mais elle fut quand même blessée par son ton fataliste, comme s’il n’attendait pas mieux d’elle. - Je t’emmerde ! s’énerva-t-elle à son tour, mais elle fut coupée dans son élan. - Ça c’est sûr que tu m’emmerdes ! rétorqua le jeune homme dont les sourcils étaient si froncés qu’ils semblaient vouloir se rejoindre. J’ai plus qu’à me retaper la route en sens inverse pour te ramener chez toi. Tu viens de me faire perdre des heures. A la simple idée de rentrer chez elle, Cassie sentit son estomac se nouer à nouveau. Elle préférait passer des jours enfermée dans une voiture avec l’Emmerdeur en chef que de supporter encore les disputes de ses parents. Elle ne reviendrait pas sur ses pas, ils n’avaient qu’à trouver une solution tous seuls. Elle en avait marre d’être la fille invisible prise dans le tourbillon. Hors de question. - Non. - Comment ça, non ? - Tu ne me ramènes pas chez moi. Le jeune homme eut un rire incrédule, avant de se reprendre et de la regarder très sérieusement. - Tu as le choix : soit je te ramène à Resington, soit je te laisse ici et tu te débrouilles pour rentrer. Cassie y réfléchit une seconde, puis le fusilla du regard avant de descendre. Elle récupéra son sac sur le plateau et revint vers la porte passager laissée ouverte. Elle vit le regard hésitant de Kazey, comme s’il se demandait si elle était sérieuse. - Merci pour le voyage, lança-t-elle froidement avant de claquer la porte. A son ton, le visage du jeune homme se fit plus dur, plus résolu. Il resserra les mains sur le volants et lui lança un dernier regard avant de mimer un salut militaire et de démarrer, la laissant en plan devant les pompes à essence. Elle resta un long moment à regarder l’emplacement vaquant du pick-up. Qu’allait-elle faire maintenant ? Elle était à la frontière de l’état, sans moyen de transport et sans destination. Mais même ainsi, elle ne regrettait pas d’être partie. Elle posa son sac au sol et prit place dessus. Elle devait offrir un tableau pathétique, elle entendit la voix d’Eva commenter avec humour « cliché de la fille paumé numéro huit. » Eva. Elle aurait su quoi faire dans une situation comme celle-là. Cassie sortit son téléphone et composa le numéro de sa meilleure amie, mais la tonalité lui apprit que la ligne était occupée. Elles avaient du mal à se contacter depuis qu’Eva était passée sur le vieux continent. Elle s’apprêtait à recomposer le numéro quand un grand homme barbu approcha. - Hey, p’tite demoiselle, lança-t-il avec un accent trainant du sud. On est dans une station, on n’téléphone pas à moins de vouloir exploser. Cassie pensait pour sa part que cette histoire d’explosion relevait surtout de la légende urbaine. Jamais personne ne lui avait dit : « tu ne sais pas ce qui est arrivé la semaine dernière ? Le cousin Bill est mort dans une explosion de pompe à essence. » C’était du grand n’importe quoi. Mais elle se contenta d’offrir à l’homme un sourire contrit et de ranger son téléphone dans sa poche, elle appellerait Eva dès qu’il serait parti, il avait certainement traversé le pays juste pour la réprimander. Elle prit sa tête entre ses mains et frotta doucement ses yeux. Elle ne savait pas ce qu’elle allait faire, mais elle en était épuisée d’avance – sans parler de l’odeur d’essence qui lui promettait une migraine imminente. Quand elle releva la tête, elle vit un pick-up vert garé un peu plus loin et Kazey qui la fixait avec une mine indéchiffrable. - Amène-toi ! cria-t-il. - Je ne rentre pas chez moi ! répondit Cassie d’un ton qu’elle aurait voulu plus ferme et moins geignard. Le jeune homme hocha la tête en assentiment et lui fit à nouveau signe de le rejoindre. Elle récupéra son sac trop plein, qu’elle lança sur une épaule et se dirigea à pas lent vers le véhicule, tête basse. Elle jeta son sac sur le plateau et revint dans la cabine où ils restèrent tous deux silencieux pendant deux interminables minutes. Kazey la fixait sans s’en cacher et elle préférait éviter son regard. Elle savait ce qu’il pensait d’elle et peut-être avait-il un peu raison. Elle pouvait se montrer égoïste parfois en ne voyant que les conséquences qui la concernaient mais sans prendre en compte les retombées sur son entourage. Elle pensa un moment qu’elle aurait dû écrire une lettre un peu plus sympathique à ses parents par exemple, elle n’avait pas réfléchis à ce que sa fuite leur ferait, mais il était trop tard. Et ce n’était certainement pas le bon exemple, si elle tenait son égoïsme de quelqu’un, elle savait où chercher. - Où est-ce que tu voulais aller ? demanda finalement Kazey et sa voix était plus douce, résignée. - A Los Angeles, répondit-elle sans y réfléchir à deux fois. Une fois là-bas, elle rejoindrait Dan et elle irait mieux. Kazey hocha la tête et tapota le volant de ses doigts épais. - Pourquoi t’es partie de chez toi, Cassie ? Elle se força à le regarder, ses yeux étaient compatissants. Il connaissait déjà la raison qui l’avait poussée à prendre le large, mais il lui laissait une chance de lui en parler si elle le voulait. - J’aimerais mieux ne pas en parler pour l’instant. - Ok. Elle fut surprise que Kazey sache se montrer conciliant quand il le voulait. Il tourna la clé et l’engin démarra en rugissant. L’autoradio se mit en route sur une chanson de Shakira. - Tu la connais celle-là ? demanda Cassie d’une voix moqueuse qui n’échappa pas au conducteur. Il lui lança un regard de biais et quand il vit qu’elle souriait, il se mit à chanter. Cassie éclata de rire sous la surprise. Non seulement il connaissait, mais il acceptait apparemment l’autodérision. - Je ne savais pas que tu avais un sens de l’humour Lawson. - Je sais me marrer Malone, répondit-il avec un demi-sourire condescendant. C’est juste que, contrairement à tes copains, j’essaie de ne pas être un abruti. Elle fut certaine qu’il l’entendit lorsqu’elle répondit « ben, c’est loupé », mais il ne commenta pas. - Ouvre les m&m’s, tu veux ? dit-il en désignant le paquet jaune d’un geste de la tête. Cassie obtempéra et plaça les bonbons entre eux avant de perdre son regard par la fenêtre sur les maisons qui défilaient.
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