La peau de Djet est d’une pâleur de mort. Ses yeux sont vitreux et ne voient pas le monde qui l’entoure. Si sa respiration n’était pas si erratique et difficile, je pourrais croire que toute vie l’a quitté. Mais pour l’heure, ce sont des râles de douleur qui passent ses lèvres à chaque inspiration. Son corps contre moi est aussi froid que la glace et je ne sais pas quoi faire.
Au dehors, les bruits de combat n’ont pas cessés. Bast est trop prise pour répondre aux appels désespérés que je lui lance. Ma main repousse les cheveux du visage de Djet avec douceur, j’ai l’impression qu’un geste trop brusque pourrait le briser. - Djet, murmuré-je. Reste avec moi. Je le soulève avec précaution et l’allonge sur le canapé. J’y grimpe à sa suite et me presse contre lui, des épaules aux pieds. Il est gelé et je sais que même ma chaleur ne pourra rien arranger, mais je ne sais pas quoi faire d’autre. Je tire le plaid du canapé pour nous entourer tous les deux. Pendant un moment, je pense que son état s’améliore, mais soudain il prend une inspiration plus puissante que les autres, plus sifflante aussi ; son corps s’arque comme si un fil invisible le tirait vers le haut. Ça n’a rien de naturel. Il laisse échapper un gémissement et au dehors, une lumière éclaire la rue comme en plein jour, avant que Bast n’entre dans la maison, suivie de près par un homme plus grand que moi, et je suis déjà très grand. Il a le crâne rasé et des yeux noirs de prédateur. Je ne pensais pas pouvoir voir une déesse paniquer, mais je ne pense pas pouvoir qualifier l’émotion sur le visage de Bast d’une autre façon. - Horus, souffle-t-elle. Il hoche la tête, comme s’il avait compris de quoi elle parlait et disparait. Volatilisé. Je devrais sûrement m’inquiéter du fait que je n’ai aucune réaction en voyant cela. Tout ce que je fais c’est serrer Djet plus près de moi quand Bast approche. Un instinct stupide me pousse à ne pas le lâcher, même quand elle soulève la couverture et me demande de la laisser s’en occuper. Je l’ai pourtant appelée pour qu’elle l’aide, mais je n’arrive pas à le laisser sortir de l’emprise de mes bras. Je ne peux pas. Parce que s’il meurt… je ne sais pas ce qui m’arrivera. Je ne peux pas imaginer qu’il ne soit plus là. Mon regard quitte la déesse pour se poser sur son visage qui est pris dans un masque glacé. J’inspire, je ne sens plus son parfum. Je ne doute pas que le regard que je dirige vers Bast est aussi perdu que moi. Elle parle de manière rassurante, je n’entends que le ton, pas les mots. Mais je me souviens que dans mes rêves, elle voulait toujours m’aider à le protéger. Je pose un baiser sur la tempe de Djet et relâche doucement ma prise. Dès qu’il est libre, Bast le soulève avec une vitesse qui me donne envie de lui hurler qu’elle va le briser. Mais ce n’est pas le cas. Quand ses bras lâchent Djet, je me précipite pour le rattraper, mais il ne tombe pas. Il flotte à un mètre au-dessus du sol. Comme si un lit invisible était sous lui. Bast découvre une de ses épaules et je vois la morsure du chacal. La peau tout autour est violette et se prolonge en veinules qui semblent vouloir se propager. J’entends Bast jurer dans une langue inconnue. Je ne comprends pas les mots, mais elle a un ton qui me laisse savoir qu’ils n’ont rien de polis. Elle place une main sur la blessure et se mets à psalmodier. Horus réapparait avec un bol dans lequel se trouve une étrange substance verte. Je pense qu’il s’agit d’un onguent de plantes. Elle applique généreusement la pâte verdâtre sur la morsure et reprend ses psalmodies. Pendant une seconde, rien ne se passe, puis Djet se met à hurler de toute la force de ses poumons. C’est plus fort que moi, je me précipite vers lui pour arrêter tout ça, mais Horus n’a qu’à lever une main pour que je sois bloqué. - Arrêtez ! Qu’est-ce qu’elle fait ? hurlé-je. - Elle repousse le pouvoir du dévoreur. Elle l’empêche de se nourrir de l’âme de Djet. - Mais il souffre ! Je me débats pour pouvoir atteindre Djet, mais c’est peine perdue. - La souffrance est préférable au trépas, me répond Horus d’un ton calme. J’ai l’impression qu’il récite une phrase lue dans un livre. Il n’a aucune intonation, aucune émotion dans la voix. *** Les griffes des ténèbres se ferment sur moi, plongées dans ma peau. J’entends des rires froids. Une centaine de rires et tout autant de griffes. Je suis perdu dans ce paysage de glace sombre, des montagnes d’onyx sur lesquelles la lumière n’a pas de prise. Et dans les ombres, des milliers d’âmes déchirées. Je serai l’une d’elles moi aussi. C’est ce que murmure Am-Heh. L’espoir est vain dans ces contrées où seul le néant guette. Je n’en sortirai jamais. Ne verrai jamais plus Caleb. Ce ne sont pas mes pensées, elles me sont murmurées. Au loin, une forme tente d’approcher, mais les ténèbres la repoussent. Tout n’est pas perdu, me souffle la forme. Viens. Caleb t’attend. Je t’attends. Je ne sais pas ce qu’est cette forme, mais elle dégage de la chaleur, contrairement aux ombres, contrairement à moi. J’avance d’un pas, mais les griffes resserrent leur prise. Un cri déchire le silence. Mon hurlement. La forme se bat contre les ténèbres et je vois alors apparaitre un chat noir. Bast. Mère. Ce sont les seules pensées qui parviennent à trancher sous la douleur. Oui, me répond-t-elle. Viens vers moi Djet. Et j’avance d’un pas de plus. La douleur est de pire en pire, j’ai l’impression d’être découpé de toutes parts. Encore un pas. Je tombe à genoux, je ne peux plus avancer, mais je tends la main. Je suis à bout de forces quand mes doigts frôlent de la fourrure. La chaleur me brûle la peau après tant de temps dans les ténèbres, mais je m’accroche et je sens qu’on me tire vers le haut. *** Le hurlement de Djet s’éteint aussi vite qu’il avait commencé. - Prends-le. Je ne comprends que ça s’adresse à moi que lorsque je me sens libéré de la prise d’Horus. J’approche et passe mes bras sous Djet, sa tête tombe contre mon épaule. Il est tiède. Pas encore chaud, mais il n’est plus gelé. Je le serre plus fort pour ne pas le laisser partir et pour m’empêcher de trembler. - Merde, chaton, soufflé-je soulagé en embrassant son front. Bast tangue légèrement, mais Horus se poste derrière elle et referme ses bras autour de sa taille. Le geste parait naturel comme s’il l’avait fait un million de fois. - Partage ton fardeau, petite sœur. Elle pose ses mains sur celles qu’Horus a placées sur son ventre et ils inspirent tous les deux avant qu’elle ne reprenne des couleurs. Ils semblent immédiatement remis, comme s’ils allaient parfaitement bien. Je ne peux pas détacher mes yeux d’eux pendant un instant. Jusqu’à ce que Djet ne souffle mon nom en calant sa tête plus confortablement contre ma clavicule. Je l’allonge à nouveau sur le canapé et me drape autour de lui pour le réchauffer. Bast et Horus n’ont pas bougé, ils restent serrés l’un contre l’autre, comme pris dans leur propre monde.
10 Commentaires
Haaaaaa! Tu nous laisses comme ça ??? :O
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Ven
9/21/2014 02:31:23 am
mdr ! Oui à tout ça :)
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Pepette
9/21/2014 03:05:14 am
Cc alors merci beaucoup pour ce chapitre mais LA SUITE LA SUITE LA SUITE
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Ven
9/21/2014 03:47:33 am
Coucou :)
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Luciale
9/21/2014 05:25:25 am
Super chapitre ! Je veux la suite du petit chaaaaaaatttt !!!!
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Ven
9/21/2014 07:14:21 am
Wow, tu as remarqué ça ^^
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Ardha
9/21/2014 07:35:26 pm
C'est vraiment trop bien ! Je ne me lasse pas de tes écrits et surtout pas de Djet ! J'adore ton chapitre et la relation Djet/Caleb se renforce ! C'est trop bien ! (Oui, je me répète mais je suis trop happy ! ^^) Ca promet d'ailleurs pleins de péripéties, pour notre plus grand plaisir x)
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Ven
9/24/2014 07:56:32 am
Salut ma belle :)
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Sabrina
10/5/2014 06:32:48 am
Enfin je lis cette histoire. Lol. Elle est génial. Hate de lire la suite
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Ven
10/5/2014 02:57:48 pm
Salut Sabrina.
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