Le défi Écrire une nouvelle entre 300 et 1000 mots. Type : Humour. Thème : Le confinement. Insaniam confinare
Le confinement va finir par me tuer. Ce n’est pas tant de devoir rester à la maison que de devoir y travailler. — Papaaaaa ! hurle la voix plaintive de ma progéniture. Elle n’a pas encore entrecoupé mon nom de haha, donc elle ne pleure pas vraiment. Je continue d’organiser le planning. La voisine du dessous commence à jouer de la flûte. Je sais qu’on n’a pas le choix, mais si on l’avait, je crois que je préférerais braver le monde extérieur quitte à me confectionner un masque avec une Pampers plutôt que d’avoir à supporter le fatras de mon immeuble. Je me demande si j’aurais le temps de vérifier sur YouTube s’il y a un tutoriel pour ça. La vieille madame Lefort, la voisine d’à côté recommence à vociférer contre moi en tapant contre le mur aussi fin que du carton qui sépare nos appartements. Je ne sais pas ce que j’ai fait pour provoquer son ire cette fois. Quand je l’ai aperçue dans le couloir hier, elle tempêtait à cause du chien des Lovoski. — V'savez pas qu’faut les enfermer les animals sauvages ? C’t’eux qui portons l’virus, hein ! Ma montre bipe. Il est neuf heures, ma visioconférence commence dans une demi-heure, et je ne suis toujours pas prêt ! — Papaaaahahahaha ! D’accord, cette fois, pas le choix. Je trouve ma fille en pleurs dans le couloir qui sépare le salon des chambres. Les oreilles de chat qu’elle porte sans arrêt sur la tête sont complètement de travers. — Qu’est-ce qu’il y a, poussin ? J’arrive à temps pour retenir sa main et l’empêcher de se moucher dans la magnifique chevelure rousse qu’elle tient de sa mère. Elle tend immédiatement les bras vers moi et je la soulève pour la placer sur ma hanche. — Ze veux mon doudou ! geint-elle tristement en s’essuyant le nez sur l’épaule de ma chemise toute propre. Et moi je ne cracherais pas sur un cappuccino à la vanille, mais il semblerait que ce ne soit pas à l’ordre du jour. Plus que vingt-cinq minutes avant ma conférence. Je me lance à la chasse au doudou avec ma fille qui ne me répond que : « sais pas » quand je lui pose une question. Impossible de trouver la saleté. Après dix minutes, je me demande si elle aurait pu le laisser chez sa mère, mais non, elle s’en serait rendu compte plus tôt. Une seule chose est sûre, il n’est pas dans sa chambre. Il ne me reste plus qu’un quart d’heure avant ma conférence et j’abandonne la recherche. Au lieu de cela, je me prépare à la consoler à nouveau. Elle a cessé de sangloter, mais je sais qu’elle va recommencer dès qu’elle s’apercevra que je ne suis plus occupé à chercher son doudou. Et cela ne manque pas. — Mon douhou-douhou ! J’ai l’impression d’être le pire père du monde. Dix minutes avant ma conférence. Dans mon appartement, ce n’est pas encore l’apocalypse, mais le chat refuse de bouger du clavier de l’ordinateur et ma fille n’a de cesse de pleurer son doudou perdu. J’ai à peine complété le planning, je n’ai pas fini de répondre aux e-mails de la compagnie, je n’ai passé aucun des trois coups de fil que j’avais prévu ce matin, je suis assis sur le canapé, ma fille sur les genoux et de la morve sur ma chemise. Mes nerfs commencent à me lâcher et je crois que je vais me mettre à pleurer moi aussi. Je soupire profondément. C’était une mauvaise idée, car j’entends immédiatement une voix de l’appartement d’à côté. — Et j’savons, qu’vous respirez tout contre l’mur ! C’est pour m’envoyer le Corona en virus ! V'z'espérez que j’vont mourir, mais on s’meurt pas ceux d’mon espèce ! hurle la mère Lefort. Je soupire à nouveau. — J’vous entendons, hein ! La voisine du dessous répond par une fausse note à la flûte et un autre voisin hurle « Ta gueule, bordel ! » Je ne sais pas à laquelle des deux il s’adresse, ou peut-être que lui aussi m’a entendu soupirer, je m’attends à tout dans cet immeuble. — On va déménager, dis-je à ma fille. — Sans mon doudou ? s’inquiète-t-elle en levant vers moi ses grands yeux verts pleins de larmes. Ses yeux semblent être une caricature des miens : encore plus grands, encore plus verts. Je laisse tomber ma tête contre le dossier du canapé et grogne de dépit. — Haha ! lance la mère Lefort. J'mourrons point, j'vous dis ! — Merde ! râlé-je. — Oh ! Un grooos mooot ! — Miaou, fait le chat sur le clavier. Les premières notes de la chanson de Titanic à la flûte montent du plancher. — Mais tu vas la fermer, putain ! arrive la voix de je ne sais où. Le confinement va me tuer.
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Avril 2020
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